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ollux était un bourreau de travail, si bien qu'il avait toutes les peines du monde à s'accorder ne serait-ce que quelques secondes de répit. Il savait bien qu'à force de travailler, l'on finissait par ne plus être productif, et qu'il fallait savoir lâcher du leste, mais c'était plus facile à dire qu'à faire, et le rédacteur en chef de la Gazette du Sorcier avait bien du mal à mettre ces sages résolutions à exécution, que ce soit pour se les appliquer à lui-même ou pour les suggérer à ses employés qu'il faisait travailler d'arrache-pied peu importe les circonstances.

Aujourd'hui, il ne travaillait pas. Ou du moins, c'était ce qui était convenu, techniquement. Au sens où il s'imposait de ne pas se rendre dans les locaux de la Gazette pour la journée. Il était supposé répondre absent si qui que ce soit devait décider de le consulter. Mais dans les faits, il avait tout de même beaucoup de mal à s'y tenir. Pollux venait tout juste de s'entretenir avec son assistant de rédaction par poudre de cheminette interposée. Une discussion proprement houleuse, mais qui touchait à son terme. Il avait l'intention - après s'être raffraîchi un peu - de faire le tri dans ses papiers, mais il n'en eut guère le temps.

Car à peine s'était-il rendu à nouveau présentable que l'on frappa à la porte. Pollux laissa à l'elfe de maison familial le soin d'aller ouvrir. Il savait parfaitement qui il avait l'autorisation de laisser entrer, et qui devait rester sur le pas de la porte : somme toute, ses enfants et ses soeurs étaient les seules personnes que Pollux tolérait sous son toit sans s'être averties préalablement. En l'occurrence, il découvrit que c'était Dorea qui s'était présentée à sa porte.

Il sourit en la voyant approcher et le saluer. Il n'était pas adepte des visites à l'improviste, c'est vrai, mais puisqu'il s'agissait de Dorea, il était bien incapable de lui en vouloir.

-Moi aussi, répondit-il alors. Que me vaut le plaisir de ta visite ?

La connaissant, elle se disait qu'elle avait sans doute juste voulu le voir et passer du temps avec lui, et ça lui convenait très bien. Mais on ne sait jamais, et dans le doute, il préférait poser la question plutôt que d'être pris au dépourvu.



   

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D

orea venait le voir sans raison précise, pour le simple plaisir de le rendre visite, et cela convenait parfaitement bien à Pollux, qui préférait largement ce genre de réponse, car si elle avait dû frapper à sa porte sous un autre prétexte, il aurait bien été incapable de ne pas soupçonner le pire. Certes, elle pourrait tout à fait être là pour lui annoncer une bonne nouvelle, mais tout autant une mauvaise. Alors, tant qu'à faire, il préférait largement qu'il n'y ait pas de nouvelles du tout. Dorea faisait partie de ces rares personnes qui pouvaient venir le déranger chez lui sans l'avertir sans que cela lui pose le moindre problème. Bien au contraire, elle allait très certainement égayer sa journée, et il ne disait certainement pas non à cela.

-Tu as bien fait, répondit-il en s'abstenant à la dernière minute d'observer qu'il n'était pas difficile pour lui d'être son grand-frère préféré puisqu'elle n'en avait qu'un seul.

C'était faux, bien évidemment, mais c'était tout comme. Quand Pollux parlait de sa famille, il n'évoquait jamais que ses deux soeurs sans ne serait-ce que laisser sous-entendre qu'il avait eu un jour un frère... qui d'ailleurs était bien en vie. Sa réflexion aurait sans doute été naturelle, mais inutile d'évoquer même indirectement ce qu'il refusait catégoriquement de mentionner sous ce toit.

-Je peux te proposer quelque chose à boire ? dit-il en l'entraînant dans le salon, déjà prêt à communiquer ses ordres à son elfe de maison afin qu'il se charge d'accomplir la tâche ingrate. Un thé ? Un café ?

Une fois qu'ils furent confortablement installés dans le salon, Pollux engagea plus directement la conversation. Puisqu'elle était là, autant en profiter pour connaître les dernières nouvelles. Certes, ils se voyaient très régulièrement, tous les deux, mais cela ne l'empêchait pas, d'une fois sur l'autre, de tout vouloir savoir. Déformation professionnelle, peut-être, mais il n'avait pas attendu d'être journaliste puis rédacteur en chef de la gazette pour être naturellement curieux, surtout auprès des membres de sa famille, qui dans tous les cas ne sauraient toujours qu'être sa priorité.

-Qu'est-ce que tu me racontes de beau, dis-moi ? Tout se passe bien pour toi ? Charlus te traite comme il faut ? Comment ça se passe avec les jumeaux ?



   

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D

orea allait bien, du moins c’est ce qu’elle lui affirmait, mais s’il y avait bien une parole que Pollux ne remettrait jamais en question, c’était bien sa sœur. Elle s’était toujours montré très sincère envers lui, c’était du moins ce qu’il croyait, l’une des forces de leur lien fraternelle était qu’il reposait sur une totale sincérité, et si elle lui assurait, donc, que tout se passait bien pour lui, alors l’homme n’envisageait pas, même une seule seconde, de la contredire. C’est que ça devait être vrai, et tant mieux. De même en ce qui concernait son époux.

Pollux avait confiance en Charlus. Il se fiait bien plus à la parole et à l’opinion de sa sœur, par principe, mais Charlus avait de longue date gagné son respect. Il ne lui avait jamais laissé imaginer qu’il puisse être malintentionné à l’adresse de son épouse, et tant mieux. Dans le cas contraire, Pollux aurait sévi, d’une manière ou d’une autre, il ne laisserait jamais quoi que ce soit advenir aux membres de sa famille.

Les jumeaux, en revanche, semblaient causer problème, toujours, et Pollux était désolé de l’entendre. Il avait été le premier à encourager l’adoption des neveu et nièce de Charlus, car il estimait le geste chevalier, et surtout, il s’impatientait de voir la famille de Dorea s’agrandir, même si rien ne vaudrait le moment où sa sœur tomberait bel et bien enceinte. Mais il ne voulait pas que cette situation soit source de stress et de tourments pour Dorea. Malheureusement, il avait bien compris que Cenlyn et Rhian Potter n’étaient pas des cadeaux. En même temps, de jeunes adolescents en étaient rarement, et Pollux était bien placé pour le savoir.

-Je n’ai jamais douté de ça, observa sincèrement Pollux.

C’était totalement sincère de sa part. En effet, il était convaincu que le couple Potter gagnerait le procès. Comment pourrait-il en être autrement ? Ils avaient toutes les cartes en mains. Toutes ces histoires de procès, ce n’était qu’une formalité, une formalité encombrante, mais qui coûterait cher au couple Bennett, au sens propre comme au figuré, à eux et certainement pas à sa sœur et à son beau-frère.

-Charlus est venu me trouver à ce suje, d’ailleurs. Quand je me serais entretenu avec Flynn Bennett, crois bien que, s’il a un soupçon de jugeotte, vous n’entendrez plus jamais parler de lui et de sa femme. De l’avantage, qui plus est, d’être le patron d’un des principaux concernés dans l’affaire. Quant aux jumeaux, tout ira mieux après un temps d’adaptation, j’en suis convaincu.


   

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L

e plus efficace possible, ce n'était pas encore assez dans le vocabulaire de Pollux. Le plus efficace possible, c'était amettre des possibilités, et donc des limites, et c'était une chose que le rédacteur en chef de la Gazette du Sorcier refusait catégoriquement d'accepter. Tout comme il ne tolérait pas l'échec, il n'acceptait pas non plus les victoires qui ne seraient que partielles. En l'occurrence, il avait toutes les cartes en mains.

Pollux Black était le supérieur hierarchique de Flynn Benett, il tenait sun destin professionnel entre ses mains, et sa manière de faire serait très simple : soumettre le journalisme au chantage afin d'épargner à ce dernier un laborieux procès qu'il perdrait tout de même, ou bien le virer, purement et simplement, et s'arrangeait auprès de ses collègues du monde des médias pour que jamais plus il ne retrouve d'emploi. Que cela l'intimide ou non, jamais on ne confierait les enfants Potter à ce couple moins fortuné, et encore moins si l'homme du couple, celui qui donc avait pour devoir tout naturel de veiller à la survivance de son foyer, se retrouvait au chômage, le bec dans l'eau. L'affaire était dans le sac, donc. La seule chose contraignante dans cette affaire, c'était que ces mesures prenaient du temps, et qu'il aurait été préférable pour tout le monde que l'affaire soit réglé aussi rapidement que possible.

-N'hésite surtout pas s'ils doivent te poser problème, je me ferai un plaisir de leur mettre du plomb dans la cervelle, répondit Pollux avec un fin sourire qui n'aurait rien contre le fait ramener les jumeaux à la réalité s'ils devaient se montrer par trop récalcitrants tous les deux.

Certes, Charlus pourrait sans doute s'acquitter de ce rôle. Mais Charlus Potter était un tendre, du moins aux yeux de Pollux. Cela n'avait rien d'un mal en soi, bien au contraire, mais dans certaines circonstances bien spécifique, il estimait que son autorité naturelle pourrait bien être un atout. Dans tous les cas, Pollux serait bien incapable de ne pas vouloir mettre son grain de sel dans l'éducation des enfants de Dorea... Et encore, là, ce n'étaient pas des enfants biologiques. Quand Dorea lui donnerait un neveu ou une nièce, il ne faudrait clairement pas s'attendre à ce qu'il reste de côté.

-Même si je mentirais en m'érigeant en exemple dans ce domaine. Je ne comprends vraiment pas ce qu'il faut à Alphard pour intégrer les règles de discipline les plus élémentaires, mais je dois bien t'avouer qu'il me donne du fil à retordre.

A Dorea, il pouvait bien l'avouer. Même si c'était une faiblesse.


   

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ollux ne comptait pas s'épancher trop longuement sur le problème que pouvait représenter Alphard, et pour cause, s'en plaindre en long en large et en travers, c'était comme admettre un échec dans le détail, et c'était une chose qu'il supportait difficilement. Dorea était sa confidente en plus d'être sa soeur, il n'avait pas souvenir de lui avoir un jour dissimulé quoi que ce soit, il était donc normal qu'il parle plus longuement du dernier de ses enfants avec elle, en revanche, il ne voulait pas donner le sentiment d'être dépassé. En tant que chef de famille, il se devait de donner l'exemple, de demeurer cette force tranquille qui gardait tout sous contrôle et qui était capable de subvenir aux besoins de sa famille quoi qu'il puisse advenir.

Malgré tout, Dorea restait de bon conseil, et aussi, elle était capable de lui faire relativiser les choses concernant lesquelles il restait, bien malgré lui, parfois dépassé, puisque, qu'on le veuille ou non, on ne peut pas toujours tout contrôler. Et c'est à ce moment-là que la présence infaillible de nos proches (plus faillible dans le cas de Cassiopeia que de Dorea, cela dit, mais passons) devenait forcément ce qu'il y a de plus indispensable. Alphard faisait certainement sa crise d'adolescence. Pollux en était arrivé à une conclusion similaire, mais puisque ni Cygnus, ni Walburga, n'avaient jamais connu ce stade, ou du moins pas à ce degré-là, il ne pouvait pas prétendre être sûr de cela. Et il ne voulait pas attribuer à l'âge de son fils un comportement qui s'envenimerait peut-être au lieu de s'assagir.

Elle ajouta aussi qu'en temps que dernier de la famille, Alphard avait peut-être plus de mal à trouver sa place, ce qui était bien possible. Dorea argua qu'elle n'avait pas été facile non plus à son âge, mais il était bien incapable de garder ce souvenir d'elle. D'un autre côté, quand Dorea avait l'âge d'Alphard, lui-même assumait déjà des responsabilités de père de famille qui l'avaient quelque peu maintenu à l'écart des considérations du genre. Il serait dans tous les cas montré peu objectif au sujet de sa plus jeune soeur. Il avait toujours eu tendance à tout lui concéder ou presque.

-Je n'en sais trop rien. J'imagine qu'il doit sentir aussi le fait que je n'ai pas la même relation avec lui qu'avec Cygnus. Ce qui ne voulait pas dire qu'il en préférait l'un à l'autre. Mais il aimait chacun de ses enfants d'une manière différente, et le cas de Cygnus, étant donné les circonstances de sa naissance, était forcément particulier. Il poussa un léger soupir. Enfin oui, j'imagine que ça lui passera, effectivement. Déjà, je lui ai trouvé une fiancée, je pense que ça devrait lui donner matière à réfléchir.

   

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a réaction de Dorea n'étonnait pas Pollux le moins du monde. Il savait qu'elle apprécierait d'avoir l'exclusivité de l'information qu'il venait de lui communiquer. Dorea aimait se sentir privilégiée, et il y avait de quoi... Elle avait tout à fait raison. Elle était privilégiée, c'était de naissance.

Leur sang, leur famille y contribuait, et sa personnalité faisait le reste. Ceci dit, Pollux voulait penser qu'au-delà du fait d'obtenir une information croustillante, sa soeur était aussi et surtout heureuse de savoir que l'avenir de son neveu, tout compliqué était-il, était garanti, et du mieux possible.

Pollux avait presque envie de faire jouer à Dorea le jeu des devinettes, juste pour faire durer le suspense. Les possibilités n'étaient pas si nombreuses, du moins si l'on admettait qu'il ait choisi à son fils une épouse dans sa tranche d'âge (mais c'était le cas, il pouvait parfois pousser très loin le vice, mais il estimait qu'une proximité en âge, à côté de laquelle passaient beaucoup d'autres sangs purs, étaient importante pour garantir un bon mariage, quand bien même ça devait être la seule affinité en jeu). Au fond, qui restait-il en dehors de Clarice Carrow ? Augusta Londubat, peut-être ? Mais la demoiselle était connue pour son tempérament difficile, et tant qu'à faire, avoir trouvé à Alphard une fiancée capable de canaliser son tempérament à lui, ce n'était pas du luxe, même si ce n'était jamais que quelque chose d'accessoire, malgré tout.

-La fille de Trevor et Eurydice Carrow, Clarice.

Pollux ne savait pas trop dans quelle mesure Dorea s'entendait avec le couple. Si le directeur de la Gazette du sorcier était pour sa part ami aussi bien avec le mari qu'avec l'épouse, et qu'il avait tendance à veiller aux bonnes fréquentations de ses deux soeurs, il leur lâchait un peu la bride de ce point de vue, et surtout à Dorea, car cette dernière savait parfaitement s'entourer sans coup de pouce (encore que, s'il savait qu'elle continuait de voir Cedrella Black, il y trouverait à redire, que ce soit son rôle ou non).

Pour ce qui était de Cassiopeia, il serait à vrai dire nécessaire qu'il y regarde de plus près, car il se demandait parfois si une partie du problème ne résidait pas là. Mais il était difficile de le savoir à coup sûr.

   

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C

e qui importait en ce qui concernait les Carrow, ce n'était pas tant leur capital sympathie que leur réputation et la pureté de leur sang. Bien sûr, connaître le couple personnellement - ce qui était le cas de Pollux, qui était ami autant avec Eurydice qu'avec Trevor et les tenait l'un comme l'autre en grande estime - était un plus, qui permettait à Pollux de s'assurer que leur fille avait été bien élevée et que leurs moeurs n'étaient pas douteuses (enfin, en théorie), mais il aurait sans doute arrangé ses noces peu importe que les Carrow aient été dans leurs petits papiers ou non.

Un mariage ne s'arrangeait jamais assez tôt, c'était une chose que Cygnus avait pu constater rapidement, et dans le cas d'Alphard, lui trouvait une fiancée avait été un impératif certain : il fallait recadrer l'adolescent, lui rappelait quels étaient ses devoirs et où était sa place. Rien de mieux, pour le mettre face à ses responsabilités, que de lui trouver une fiancée. Par ailleurs, les Carrow faisaient partie de ces familles de sang pur respectées et respectables que la réputation précédait. Il ne faisait aucun doute qu'ils sauraient se montrer dignes de la confiance que Pollux leur accordait en leur offrant, à Clarice du moins, de trouver une place de choix au sein de l'arbre généalogique des Black, au sens propre comme au figuré.

-Tu supposes seulement ? Je regrette que tu puisses mettre mes choix en doute. Je ne me trompe jamais, tu le sais bien, répondit Pollux d'un ton amusé.

Il ne prenait pas mal les propos de Dorea, en réalité, parce qu'il savait qu'elle lui faisait confiance, et même si elle serait capable de remettre en question ses choix si elle les trouvait mal avisés, ils étaient généralement sur la même longueur d'onde. Alors oui, il arrivait à Pollux de se tromper. Il prétendait l'inverse et détestait avoir tort, mais il n'était pas infaillible, ceci dit, en l'occurrence, il ne voyait absolument pas ce qui pouvait mal tourner. Et à vrai dire, si quelqu'un devait poser problème, il craignait fort de devoir l'imputer à Alphard et non à Clarice (sans savoir que cette dernière portait sur elle une tare des plus conséquente qui invalidait cette union d'entrée de jeu).

-Tu verras, Clarice et une adolescente tout à fait charmante. Intelligente, bien éduquée. Je pense qu'elle saura avoir une excellente influence sur Alphard.

Il l'espérait, en tout cas. Fiancer Alphard devait aussi aider à cela. Et prévenir de certains scandales éventuels comme Pollux lui-même en avait provoqué un à l'âge d'Alphard, même si on s'abstiendrait bien d'y revenir.

   

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E

st-ce qu'il était angoissé à l'idée de bientôt se retrouver seul ici ? La réponse la plus évidente était celle qu'il donnait sans y réfléchir. Il était relativement facile pour lui de prétendre que cela ne lui poserait aucun souci, mais dans les faits, c'était plus délicat. Seul dans cette maison, il était habitué à l'être. A partir du moment où ses trois enfants avaient été scolarisés à Poudlard, il avait bien fallu qu'il s'accommode de cela, et la tâche lui en avait été facilitée par toutes celles qu'il s'imposait. Il ne pouvait nier qu'il avait consacré davantage de temps à son travail à partir du moment où ses enfants n'avaient plus été présents, où il avait eu moins eu à s'occuper d'eux.

-Je suis déjà seul ici la plupart du temps, répondit Pollux avec un fin sourire. Ceci dit, il ne s'arrêta pas là.

Quiconque d'autre lui aurait posé cette question, il se serait contenté de cette réponse sans en dire davantage, mais en l'occurrence, il ne s'adressait pas à n'importe qui mais à sa soeur, et auprès d'elle, il pouvait se permettre de se montrer plus ouvert, plus sincère.

-Mais c'est vrai, je redoute un peu le moment où ils n'auront vraiment plus besoin de moi.

Il se réconfortait avec l'idée que même mariés et installés dans la vie, ses enfants auraient toujours besoin de leur père, d'une manière ou d'une autre, mais il y avait là une certaine forme de contradiction, en réalité. Une partie de lui voulait que ses enfants soient parfaitement aptes à se débrouiller sans lui. S'il les avait convenablement éduqués - et il voulait croire que c'était le cas -, il leur deviendrait dispensable, et ça devrait être la moindre des choses. Mais une part de lui avait envie qu'ils aient toujours une occasion ou une autre de se tourner vers lui.

Et c'était peut-être là qu'on pouvait trouver un semblant de sentiment de solitude, le genre de solitude que la présence de personne d'autre ne pourrait compenser. Ni celle de ses soeurs, ni celle d'une quelconque compagne, car bien sûr, Dorea lui posa la question qu'il était habitué à entendre. Le temps réglementaire pour faire le deuil d'Irma était largement dépassé, tout le monde s'était attendu à ce que Pollux revienne "sur le marché". Ce n'était pas arrivé. Et ça n'arriverait pas. Peut-être qu'il ne fallait jamais dire jamais, mais Pollux ne le pensait vraiment pas. Il n'éprouvait aucun manque si ce n'est celui d'Irma. Il vivait très bien seul. Il n'avait pas envie de s'imposer les flirts, les rendez-vous galants, toutes ces étapes de la construction d'une quelconque relation.

-Pas une seule fois. Il marqua une pause. Tu sais que Cassiopeia m'a posé exactement la même question ? Vous ne devriez pas vous en faire pour moi. J'étais heureux avec Irma, je n'ai pas envie de trouver quelqu'un d'autre.

   

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ollux adressa à sa soeur un sourire amusé quand cette dernière lui fit remarquer, à juste titre, que s'il avait été père plus tardivement, il aurait aussi gardé ses enfants plus longtemps (encore qu'il les aurait juste gardés le même temps, mais plus tard, et ce serait retrouvé seul un peu plus vieux, ce qui n'était pas forcément une situation plus enviable). De la part de beaucoup, il n'aimait pas les rappels quant à l'âge auquel il avait eu Cygnus, puisque de ce constat à celui du scandale qu'avait engendré la grossesse d'Irma à l'époque, il n'y avait qu'un pas, et comme il aimait avoir le plus parfait contrôle de son image, c'était bien évidemment une chose qu'il n'appréciait pas le moins du monde. Mais Dorea était - et serait toujours - de ces personnes qui seraient en droit de le charrier sans accuser de retour de bâton de sa part. Il prenait sa réflexion pour ce qu'elle était, une simple plaisanterie.

Dans tous les cas, et en dépit du scandale de l'époque, tout bien considéré, si les choses étaient à refaire, il ne voudrait pas qu'elles se passent différemment. Quand il voyait le jeune homme qu'était devenu Cygnus, et qui n'avait de cesse que de le couvrir de fierté, il ne pouvait qu'être ravi de cette "erreur de jeunesse", qui par ailleurs avait poussé Irma à devenir sa femme, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas autrement, et il estimait qu'elle avait été la meilleure des épouses. De même, il aimait chacun des souvenirs que lui, ses enfants, et Irma à l'époque avaient façonné ensemble, il ne voudrait en changer aucun. Alors certes, ça n'avait pas été conventionnel du tout, mais il ne changerait jamais qu'une chose s'il le pouvait, et c'était bien évidemment le départ prématuré de son épouse, épouse qu'il n'avait aucune intention de remplacer, ni maintenant, ni plus tard. Sur ce point, Pollux était tout à fait sûr de lui.

C'est qu'il n'avait vraiment pas besoin de la compagnie d'une femme pour se sentir heureux ou accompli. Au final, Pollux avait été l'homme d'une seule femme, et il acceptait très bien sa condition de veuf. "Refaire sa vie" ne lui inspirait rien du tout. Il n'avait pas besoin de la compagnie d'une nouvelle épouse dans sa vie, et il ne pensait pas qu'il changerait d'état d'esprit. Peut-être se surprendrait-il lui-même si, après le départ d'Alphard, il se découvrait accuser une trop grande solitude, mais vraiment, il ne l'envisageait pas de la sorte.

-Est-ce que j'ai l'air de ne pas être bien ? J'ai des enfants exceptionnels et des sœurs merveilleuses, un travail en or et tout ce que je pourrais demander, je vois difficilement ce que je pourrais demander de plus. Il afficha un sourire. Mais je te remercie de t'en faire pour moi, je suppose que c'est de bonne guerre, en effet.

   

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-S

i tu prends l'honnêteté pour de la flatterie, je ne peux rien pour toi, même si ça me surprend de ta part, je pensais que tu te tenais en suffisamment haute estime pour avoir parfaitement conscience de ta valeur.

Et même s'il prononçait ces mots d'un ton plaisantin, cela n'empêchait pas Pollux de penser le moindre d'entre eux, et pour cause, il n'était pas du genre à donner des compliments à foison, c'était même tout l'inverse, il avait plutôt pour habitude de pointer du doigt les défauts d'autrui, à ses yeux, c'était leur rendre service, c'était une manière de les encourager à s'améliorer. Alors très clairement, quand il faisait des compliments, c'était toujours pensé, du moins quand c'était à l'adresse des personnes qu'il estimait... il n'était évidemment pas à l'abri de se montrer quelque peu hypocrite en société, quand il était nécessaire de bien se faire voir des uns et des autres, quand bien même ce n'était pas l'exercice qu'il préférait.

Même s'il évoluait dans un milieu hautement hypocrite, et où le mensonge était la norme, la clé, il ne prenait pas franchement de plaisir à mentir. Il préférait se montrer honnête, parce qu'il ne voyait en rien de l'intérêt à dissimuler des opinions dont il était tout à fait fier. Il considérait n'avoir à rougir d'aucun de ses actes, c'était aussi simple que cela, et donc, il entendait bien le montrer, ni plus ni moins.

-Et je suis heureux que tu sois heureuse de me savoir heureux, alors je suppose que tout va bien. Par contre, n'espère pas qu'en conclusion de cette conversation, je cesserai de me faire du souci pour toi et de te harceler de questions et de conseils, ce serait bien mal me connaître.

Mais après tout, elle le connaissait bien, justement, et elle savait très précisément de quelle manière il fonctionnait, donc elle ne devrait pas être surprise outre mesure, n'est-ce pas ? C'était en tout cas ce que supposait Pollux, qui prononçait ces mots tout aussi légèrement que les précédents, ce qui ne voulait pas dire pour autant qu'il ne fallait pas prendre ces mots très au sérieux.

Sérieux, Pollux l'était, terriblement, et il n'y aurait rien de pire que de remettre sa parole en question, d'ailleurs, s'il y en avait bien dont il ne supportait pas qu'ils remettent en question son comportement, ses paroles ou ses décisions, c'était bien les membres de sa famille... d'où le fait qu'il n'acceptait pas que l'on prenne pour de la flatterie ce qui n'était jamais que la stricte vérité.

   

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-J'

espère tout de même, oui que tu ne m'imagines pas armé des mêmes intentions que les autres hommes à ton égard, répliqua-t-il avec un ton amusé quand elle affirma qu'elle se méfiait des compliments des hommes. Et si certains hommes te complimentent plus que nécessaire et t'importunent, tu sais que tu n'as qu'à me donner leur nom pour qu'ils ne te dérangent plus jamais.

Trop protecteur, Pollux ? A l'évidence, oui, et il n'envisageait pas le moins du monde, par ailleurs, de s'en cacher ou de s'en excuser. C'était son rôle, en tant que grand frère et en tant que patriarche de sa famille, de prendre soin de chacun de ses membres, et oui, même si Dorea arguerait peut-être qu'elle était capable de se défendre seule, ce n'était pas à elle de défendre un honneur qui ne devrait jamais être bafoué pour commencer. C'était en revanche le rôle de son mari. Et bien évidemment le rôle aussi de son frère, qui ne manquait pas de prendre la chose à coeur et n'hésitait pas un seul instant à le prouver.

Et il insistait, donc, de même qu'il laissait bien entendre que peu importe les circonstances, il ne cesserait jamais de l'abreuver de conseils. Se faire du soucis pour elle, c'était un peu dans ses habitudes les plus impérieuses, il ne savait juste pas faire autrement. Ce serait toujours le cas quand il serait question de ses soeurs et de ses enfants, et ça n'avait pas la moindre chance de changer un jour, c'était une constituante pleine et entière de qui il était, une chose à côté de laquelle il serait bien incapable de passer même s'il le voulait.

Et il ne le voulait pas particulièrement. Il n'y avait pas à rougir ou à avoir honte de vouloir prendre soin de sa famille, n'est-ce pas ? Bien au contraire, c'était dans l'ordre naturel des choses, et il ne changerait sa nature pour rien au monde, déjà qu'il avait le sentiment de ne pas pouvoir en faire assez pour les siens : pas autant qu'il ne le faudrait, en tout cas. Et c'était une chose qui devait changer en tout point, une chose à laquelle il était tout à fait prêt à s'engager.

-Bien sûr que c'est mieux ainsi. Que ferais-tu de ta vie sans ton merveilleux frère ?

   

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-O

n est jamais trop de deux pour défendre ton honneur, répondit Pollux avec un sourire indulgent quand sa soeur lui fit remarquer - à juste titre - que pour ce qui était de défendre son honneur, son mari était présent.

C'était la vérité, et d'ailleurs, Pollux n'aurait jamais toléré que Dorea épouse un homme qui n'aurait pas été capable de la protéger, de la soutenir et de la défendre (oui, il estimait avoir son mot à dire quant à la situation, c'était une évidence). Charlus était quelqu'un de bien et il était parfait pour sa soeur. Mais on ne se refaisait pas.

Il n'était pas arrivé encore, le jour où Pollux Black cesserait de vouloir veiller sur ses soeurs. Il estimait après tout que l'on n'était pas trop de deux pour cela, et quoi qu'il en soit, il n'y avait personne en ce bas monde en qui il ait confiance plus qu'en lui-même pour s'acquitter d'une mission telle que celle-ci.

-Mieux vaut en faire trop que pas suffisamment, après tout, pas vrai ? suggéra-t-il avec un sourire au coin des lèvres, de ceux qu'il n'adressait jamais qu'à ses soeurs et - à quelques très rares occasion - à ses enfants.

Alors oui, en réalité, Dorea s'en sortirait sans doute très bien sans son très cher frère. Elle était intelligente, d'une intelligence rare, elle était forte et débrouillarde, et en dehors de lui, elle était bien entourée. Même si Pollux cherchait à s'en convaincre, il était évident qu'elle n'avait pas nécessairement besoin de lui. Ce qui ne l'empêchait pas d'en rajouter... partiellement sous couvert de plaisanterie, mais pas seulement. C'était aussi une manière de rappeler à sa soeur qu'il serait toujours là pour elle, mais aussi et surtout qu'il le serait toujours quoi qu'elle veuille et quoi qu'elle décide plus exactement.

-Rien du tout, tu veux dire. Je te suis indispensable, ma soeur : n'oublie surtout pas cela, insista-t-il avec un toujours ce fin sourire aux lèvres.

Il voulait surtout lui rappeler qu'elle pouvait compter sur lui quoi qu'il advienne, c'était à cela que tous ses discours rimaient, plus que tout le reste, en vérité.


   

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