V

oilà bien un endroit où la brillante, et un brin snobinarde, avocate n'aurait jamais pensé remettre les pieds un jour ! A moins , bien évidemment et comme aujourd'hui, d'y être contrainte et forcée. Pendant tout le chemin qui l'avait menée à la boutique, et qu'elle avait préféré parcourir à pieds le temps pour elle de parvenir à museler son agacement et sa colère, Nemesis s'était demandée comment elle avait pu en arriver à cela.

Bien qu'elle ne s'aviserait jamais de remettre en question le moindre des jugements ou des décisions de son frère, lorsqu'elle avait, de façon si spontanée, de le suivre et de le rejoindre dans ce qui des siècles plus tard pourrait être nommé par bien des moldus " le côté obscur de la Force ", non la jeune femme n'avait jamais imaginé à quel point cela l'amènerait à transgresser ces lois et tous ces serments qu'elle avait pourtant prêter de respecter en devant membre du barreau ! Et, le plus comique et ironique de l'histoire était sans doutes que, à cette époque, la jeune diplômée était sincère dans ses engagements ! Le coeur vermoulu par une peine sentimentale, pétri des meilleures intentions et la vocation chevillée au corps Nemesis pensait vraiment être prête à défendre la veuve et l'orphelin !

Seulement la réalité, et son amour du luxe, l'avaient vite fait bien fait ramenée à une toute autre réalité. Les veuves et les orphelins susceptibles de s'offrir ses services ne couraient pas les rues et les défendre pro bono comme le lui imposait la loi allait un moment ! Quant à ses idées, bien saugrenues elle le réalisait aujourd'hui, de servir la justice... Nemesis y avait renoncé au moment même où elle avait compris qu'elle ne gagnerait rien à jouer cette partition là. Tandis que se servir des textes pour mieux détourner la loi, lui faire courber l'échine et ainsi amener ses clients à obtenir et gain de causes et réparations... Là, elle se sentait comme un poisson dans l'eau ! Gagner, installer un peu plus encore sa prestigieuse réputation et agrandir sa fortune pourtant déjà bien conséquente... Autant de jeux et de distractions qu'elle affectionnait plus que tout. A chacun ses plaisirs...

Alors qu'elle parvenait à la hauteur de ce magasin de sucreries qui collaient aux dents et faisaient enfler les hanches, sa mauvaise humeur disparut instantanément, masquée derrière cet air de composition que la si douce Nemesis Colloway savait si bien feindre et revêtir lorsque les circonstances l'exigeaient. Un peu comme maintenant alors que ses prunelles azurées se posaient, si fixement, sur cette frêle et décidément bien étrange silhouette qui la saluait déjà de la main. Jamais, mais vraiment au grand jamais, la jeune femme n'aurait pu imaginer qu'un jour elle serait amenée, par ce qu'elle considérait aujourd'hui être comme le plus merveilleux des hasards -il fallait bien que cela existe aussi histoire de compenser tous les autres ! - , à défendre une visiteuse du futur. Une jeune élève qui, suite à un malencontreux incident, se retrouvait plongée dans ce qui était pour elle le passé, l'histoire. Et pour Nemesis un présent qu'elle n'entendait pas voir changer d'un iota ! Or, elle ne l'ignorait pas, était sans doutes l'une des rares personnes à avoir été mise au courant et tenues au secret, elle n'ignorait pas que cete intruse n'était pas venue pour admirer le paysage ! Il y avait forcément une raison et la jeune femme était bien décidée à la découvrir. Quitte pour cela à gaver de sucre cette petite oie blanche, cette dinde blafarde, de sucreries jusqu'à ce que sa langue collante ne se délie ! Affichant le plus chaleureux de ces sourires à sa si jeune cliente elle s'avança et lui dit poliment

- Je suis contente de voir que tu sembles bien te porter Luna ! dit-elle après s'être assurée que nulle oreille indiscrète ne traînait. Puis, lui adressant une oeillade complice elle lui désigné d'un regard la boutique et l'invita à la suivre Que dirais-tu d'aller nous gaver de friandises avant de discuter un peu ? Je me suis inquiétée pour toi tu sais ? Après le procès j'ai eu peur que tu n'éprouves quelques difficultés à t'en remettre. Ce n'est jamais une épreuve facile à surmonter et, parfois, cela fait du bien de pouvoir se confier à quelqu'un qui connaît sa situation... ou son secret. Ne crains rien Luna : en tant que ton avocate, tout ce que tu pourrais me dire demeurera à jamais sous le sceau du secret professionnel. Et je risquerai gros si je venais à te trahir.

Oui, très gros même... Mais cela la jeune élève de Poudlard ne pouvait le deviner. Pas plus qu'elle ne pouvait savoir, se douter un seul instant, que la si aimable personne devisant à ses côtés n'avait qu'une envie : la faire parler pour, ensuite, mieux la trahir. Mais Nemesis la partie allait être serrée et elle n'aurait pas de seconde chances. Il lui faudrait faire preuve de patience et de psychologie... Et de bien plus encore sans doutes !

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ans une masse compacte d'élèves, où les identités se confondaient dans un joyeux bordel, dans une entité mouvante toute de noir vêtue, Luna ne laissait pas oublier qu'elle n'était pas comme les autres. Elle avait beau s'être mêlée à la foule des étudiants, elle était encerclée de vide. Ses camarades semblaient avoir prit un soin tout particulier à s'écarter d'elle, quand bien même ils devaient se coller les uns aux autres pour cela. Logique, personne ne voulait approcher de la criminelle potentielle... une criminelle ô combien loufoque, qui plus est. Sa démarche sautillante (et par la même forcément suspecte) n'invitait pas forcément non plus à vouloir s'approcher de trop près de la blondinette. Peu importe, ce mini désert autour d'elle, la bleue et bronze ne semblait pas le remarquer. Ou, en tous cas, elle ne semblait pas en tenir rigueur. L'absence de présences amicales l'avaient environnée si souvent qu'elle savait prendre la situation avec cette philosophie de vie un brin absurde qui était la sienne, et lui permettait de passer outre une situation qui pour d'autres aurait sans doute pu être profondément désagréable, déstabilisante, voire traumatisante. Oh, ne croyez pas pour autant que toute cette histoire ne l'affectait pas. Mais en des temps difficile, Luna pouvait compter sur ce pouvoir bien plus grand que ceux dont les sorciers se vantaient si souvent, et qu'on moquait chez elle sans comprendre à quel point il était salvateur : l'imagination. Tant qu'elle était cernée, comme maintenant, par cette bulle délicieuse de fantaisie et de simplicité, alors rien n'allait si mal, au fond.

Elle avait décidé de se rendre à Pré-au-lard comme l'on décide de manger même si l'on a pas fait. Juste comme ça, et complètement irrationnellement (en même temps, la rationalité n'était de loin pas ce qui la caractérisait). Elle avait envie de marcher, elle aimait Pré-au-lard, ses boutiques, cette ambiance singulière qui semblait presque palpable et qui se mêlait à l'air en ces périodes d'influence. Même si elle avançait seule dans la multitude... d'autant qu'aucun des voyageurs n'avait daigné l'accompagner. Sans grande surprise, d'ailleurs, étant donné que l'atmosphère qui régnait récemment entre nos voyageurs temporels était loin d'être au beau fixe. Une fois un premier pied posé sur le sol du village sorcier, la bleue et bronze n'avait toujours pas idée de ce qu'elle allait faire, et s'en moquait un peu, d'ailleurs, seulement portée par ses pieds, qui pouvaient faire d'elle ce qu'ils voulaient à cet instant. Ses pieds d'abord, menaient la danse, puis son cerveau voulut finalement bien jouer le jeu quand son regard croisa une silhouette familière, celle de Nemesis.

Nemesis était l'avocate de Luna. Étrange constat. Si surprenante la demoiselle pouvait-elle être, effrayante, même, parfois, personne n'avait dû soupçonner jusqu'à ce jour qu'elle se retrouverait en plein procès, et aurait besoin qu'on la défende devant la justice. Luna savait qu'elle devait beaucoup à la jeune femme, sa liberté, surtout, et en ce nom, elle avait su gagner toute son estime et tout son respect. Trop hâtivement? Oui, sans doute, et une fois de plus. À croire que la foi inébranlable que la demoiselle voulait avoir dans le genre humain devait lui faire avaler encore multitudes de couleuvres, tout cela pour qu'elle apprenne une leçon qu'elle ne retiendrait sans doute jamais.
Comment, d'ailleurs, douter de la sincérité de la demoiselle quand elle se montrait si charmante, et visiblement attentive à ce qu'elle pouvait vivre ou ressentir.

-Je suis heureuse de vous revoir. dit-elle de cette voix cristalline qui la caractérisait si bien. Vous n'avez pas à vous inquiéter pour moi, je vais bien. ajouta-t-elle avec douceur et dans un léger haussement d'épaule. Son regard s'arrêta un moment à travers la boutique, elle n'était pas contre quelques friandises, après tout. Vous aimez les gnomes au poivre? demanda-t-elle en posant sur son interlocutrice ses yeux globuleux.

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N

on, décidément, il était des mystères de l'existence que la brillante et opiniâtre avocate ne pourrait sans doutes jamais comprendre. Des êtres dont les apparences, les comportements et plus profondément encore les essences intimes lui échappaient totalement, venant même à heurter sa logique implacable. Luna Lovegood était bien évidemment de ceux-là ! Cette gamine aux airs tellement lunaires que Nemesis peinait à savoir si elle sortait d'une sieste ou était perchée à quelques dizaines de yards au dessus de leurs têtes à tous... Bien que d'une douceur et d'une tendresse feintes à la perfection, le regard qui dévisageait, sans même se cacher, sa petite cliente était des plus inquisiteurs. Qui pouvait-elle bien être ? Et pourquoi était-elle ici ? Penser qu'un simple accident temporel puisse être à l'origine de son arrivée dans leur époque demeurait bien évidemment plausible. N'était-ce d'ailleurs pas ce qu'elle avait elle-même plaidé pendant ce bien étrange procès qui avait eu lieu ? Oui, Nemesis avait défendu sa cliente de son mieux et, à leur plus grand soulagement à toutes les deux, elle avait obtenu l'acquittement pur et simple. Mais ce verdict n'était qu'une façade qui ne laissait que peu de monde bien dupe. Et si Nemesis avait su, par son éloquence et son obséquiosité habituelles, su endormir les rares esprits au courant au sein du Ministère, il en était d'autre qui, eux, ne lâcheraient jamais l'affaire. Du moins pas tant qu'ils n'auraient pas obtenu des réponses à leurs si nombreuses questions !

Nemesis le savait, le sentait, cette espèce de petite élève de pacotille aux yeux de poisson resté trop longtemps hors de son eau en savait bien plus que ses airs d'hallucinée pouvaient bien le laisser croire. L'avocate devait faire de véritables et gigantesques efforts sur elle-même pour ne pas sauter à la gorge de celle qu'elle venait de saluer avec une courtoisie bien plus obséquieuse que sincère. Cette visiteuse du futur demeurait pour Nemesis une énigme et cela insupportait grandement cette dernière ! Qui plus est, auprès de cette bronze et argent, même son don -pourtant des plus utiles- de Legilimens ne lui était d'aucun secours. Pénétrer dans l'esprit de la demoiselle Lovegood n'était guère compliqué mais, affronter ce qui s'y trouvait était une épreuve à laquelle même une peste perverse comme l'héritière Colloway était très loin d'être préparée ! Il régnait dans cet esprit tant de confusion, tant de choses inhabituelles que Nemesis avait comme l'impression de se retrouver dans un labyrinthe que même ce cher Dédale n'aurait pu renier ! Peut-être même était-ce pour cela que cette gamine avait été choisie, si tant est que quelqu'un ait réellement pu porter sciemment son choix sur elle, pour mener à bien une étrange mission. Quelle mission ? Etait-elle seule ? Autant de questions qui tournoyaient plus vite que jamais dans l'esprit de la demoiselle et qui commençaient sérieusement à lui donner le tournis ! Non, décidément, Luna était une redoutable adversaire mais Nemesis savait qu'elle n'abandonnerait pas. Le renoncement et la défaite étant deux mots qui avaient été, dès sa naissance, proscrits de son vocabulaire par ses parents. Nemesis était une sang pur, une Colloway, et à ce titre elle se devait de réussir, plus que brillamment, tout ce qu'elle entreprenait. Pas d'autre choix ! Et cela était encore plus vrai depuis qu'elle s'était laissée entraînée par son aîné dans ce mouvement néo Grindelwaldien qui se languissait d'en apprendre plus. Et la jeune prédatrice aux airs de poupée innocente, cela était devenue vital : elle devait faire parler la gosse ! Quitte, pour cela à se gâter ses dents si parfaites et à se retourner l'estomac avec l'un de ces gnomes au poivre dont lui parlait sa jeune amie. Gardant pour elle qu'elle honnissait les sucreries et toutes ces immondices, Nemesis sourit doucement tout en prenant avec une délicatesse infinie la main de l'élève et en l'entraînant dans l'intérieur de la boutique. Cela empestait le sucre ! Résistant à l'envie de fuir elle rit doucement en se forçant à piocher une gourmandise à la couleur acidulée et au goût de fruits avant d'en tendre une petite poignée à la jeune demoiselle

- J'adore toutes ces douceurs ! Elles me rappellent mon enfance et l'insouciance que je possédais alors et que j'ai perdue, hélas, depuis. Grandir est une étape inéluctable mais elle enterre bien des rêves. Mais peut-être que, toi, tu y échapperas. Tu es différente Luna. Tellement différente même ! Est-ce l'époque d'où tu viens qui te donne ces airs si rêveurs ou est-ce ton caractère ? J'ai eu beau te défendre avec force conviction j'avoue ne pas être parvenue à te cerner. Mais il est une chose dont je suis à peu près certaine : tu me sembles bien seule... Terriblement seule même ! Tes amis de ton époque ne te manquent-ils pas ? J'imagine que te retrouver projetée dans le passé, seule, doit-être parfois bien étourdissant, non ? Ta famille, tes amis... se détournant un instant de l'adolescente, feignant à merveilles la compassion et la tristesse, Nemesis poursuivit son petit numéro de charme perfide et sournois Sans mon frère et mon fiancé... Sans mes parents et mes amis... Je pense que je deviendrais dingue ! Enfin, un peu plus que je ne le suis déjà ! dit-elle d'u air espiègle tout en retenant une grimace et en croquant une autre friandise. Que cela était dégoûtant D'ailleurs j'espère que, bientôt, toi et moi nous connaîtrons suffisamment bien pour que tu oses te confier à moi. Je suis peut-être ton avocate Luna mais, je le désire sincèrement j'espère que nous pourrons devenir amies toutes les deux ! Cela te plairait-il ?

Nemesis sourit doucement. Qui pouvait se douter que, derrière ce visage et ces manières d'ange, se cachait un bien terrible démon ?

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N

emesis n'était pas la première à qualifier Luna de "différente", c'était un adjectif qu'elle entendait constamment, et plus appréciable, tout de même, que les qualificatifs tels que "loufoque", "cinglée" ou "tarée" auxquels elle n'échappait pas non plus, bien sûr. C'est vrai, il était impossible de nier le fait que Luna Lovegood n'était pas une jeune fille comme les autres, et pas seulement parce qu'elle venait d'un autre temps, non... il s'avérait juste qu'on l'avait élevé et éduqué sur ce principe merveilleux : il n'y avait pas de barrière à l'imagination, et ce n'était pas parce qu'on était la seule personne à croire en quelque chose que là ne se trouvait pas pour autant la vérité. Oui, à sa manière, Luna n'était semblable à nul autre, elle avait laissé au rêve prendre cette place prépondérante que le monde voulait lui refuser sous des prétextes qu'elle n'avait jamais approuvé, cette aptitude au rêve et à l'imaginaire était ce qui la sauvait d'une situation difficile et inextricable, et qui avait mit plus d'une fois à l'épreuve sa douceur que l'on assimilait trop souvent à de la naïveté, là où Ginny finissait psychotique, et où même Hermione ne semblait plus vraiment en mener large, cette bulle autour d'elle la préservait au moins un peu. Moins qu'avant toutes ces aventures, peut-être mais suffisamment pour supporter en sourcillant à peine un voyage temporel catastrophique, la perspective de ne plus jamais retrouver son époque, et un procès au cours duquel elle avait été accusée de meurtre.

Luna ne fit aucune remarque quant aux observations que faisait Nemesis à son sujet, elle ne voulait pas justifier sa façon d'être, que ce soit au nom de son voyage dans le temps, ou au nom de ce qu'elle était au plus profond d'elle-même. Elle était ainsi qu'elle était, ne s'en était jamais défendue, ne le ferait jamais. On la prenait ainsi qu'elle était ou ne la prenait pas, c'est tout. Et la plupart du temps, oui, on préférait, de fait la mettre à l'écart. Nemesis avait vu juste, bien sûr, en remarquant que la demoiselle était très solitaire. Ce n'était pas tant par choix ou par caractère, d'ailleurs, que par la force des choses. Personne ne voulait être son amie, alors, bien sûr, elle n'avait pas d'amis, et faisait avec. Bien sûr, les choses avaient changées depuis, elle s'était beaucoup rapproché des autres voyageurs, et de Ginny, surtout. Sans compter les quelques amis qu'elle avait su se faire à cette époque (pas tant que cela si l'on omettait tous ceux qui avaient seulement voulu la manipuler - et y étaient parvenus, pour certains).

-Oh mais je n'ai pas d'amis. Elle avait prononcé ces mots avec légèreté et douceur, sans la moindre amertume ou tristesse, comme un simple constat avec cette franchise désarmante qui lui était habituelle. Pas dans mon époque, en tous cas. ajouta-t-elle dans un vague haussement d'épaule, le tout accompagné d'un doux sourire. Mais mon père me manque souvent.

Pourquoi s'être confiée au sujet de son père à cette avocate qu'elle connaissait à peine ? Allez savoir. Peut-être parce qu'aux voyageurs, parler de son père n'avait pas de sens ni d'intérêt puisqu'eux-même souffraient de l'absence des membres de leur famille ? Et que tous les autres pensaient qu'elle avait encore ses deux parents, et qu'Aulne retrouvait Mr et Mrs Quibber durant les vacances... Oui, Luna aurait pu parfaitement se faire à cette époque si l'absence de son père ne lui pesait pas tant.

Luna suçota l'un des bonbons que lui avait proposé l'avocate tandis qu'elle lui suggérait qu'elle pouvait se confier à elle. C'était tentant, forcément... quelqu'un qui, enfin, était au courant du secret qu'elle portait, et extérieure aux voyageurs. Mais n'oubliant pas ses erreurs de jugements passées, la friandise claquant contre ses dents tandis qu'elle parlait, elle demanda, du même ton que précédemment.

-Pourquoi est-ce que vous vous intéressez à moi ? Les gens ne s'intéressent pas à moi, d'habitude.

Et à nouveau, ces mots n'étaient pas prononcés sur le ton de la lamentation, loin de là. Un simple constat qui ne semblait pas la faire souffrir outre mesure.

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I

l y avait un petit quelque chose, ce genre de je ne sais quoi qui la vendait véritablement différente des autres. Sur ce point, au moins, Nemesis se montrait sincère. Déjà lorsqu'elle avait fait sa connaissance afin de préparer ce procès que ni l'une ni l'autre n'oublierait de sitôt, la brillante avocate s'était trouvée surprise, presque décontenancée, par cette cliente hors normes. Mais, à l'époque, Nemesis n'y avait vu qu'une magnifique opportunité d'asseoir un peu plus sa notoriété en tant qu'avocate. Etre une femme, même sorcière de sang pur, dans cette société londonienne de milieu de siècle n'était pas toujours évident. Et la jeune héritière avait du  se battre pour se faire une place dans ce monde encore assez phallocrate. Mais rien, ni les moqueries ou les regards réprobateurs de ses pairs, non rien ne l'avait dissuadée de poursuivre son chemin et d'accomplir ce qu'elle pensait alors être son destin. Mais, depuis, Nemesis s'apercevait qu'elle avait changé. Qu'elle continuait à changer même. Comme si s'effectuait en elle une mutation et que ce qu'elle pensait être son but final – à savoir se faire un nom et une place dans la si bonne société anglaise sorcière- n'était en fait qu'un début, tout au mieux une simple étape dans un voyage qui en comportait encore bien d'autres. Et bien qu'elle ne puisse se l'expliquer la jeune femme pressentait que cette horripilante gamine avait son rôle à jouer dans tout cet imbroglio. Peut-être se trompait-elle... Peut-être pas... Jusqu'à il y avait encore si peu jamais la jeune fille n'aurait prêté attention à ces sortes de signes … Elle demeurait figée dans ses certitudes, persuadée qu'elle était la seule personne capable de forger son destin. Mais Gwendall avait commencé à ébranler ses certitudes en l'entraînant dans cette folie de mouvement meurtrier des néogrindelwaldiens.  Puis le doute s'était immiscé, propagé jusque dans l'intimité de son couple si parfait qui menaçait, à tout moment d'exploser sous la menace -si charmante et tentante il lui fallait aussi l'admettre- de Kieran.  Le jeune homme avait surgi de son passé , d'une époque que Nemesis pensait irrémédiablement révolue tandis que celle qui se tenait devant elle en ce moment même, lui arrivait tout droit d'une époque pas encore écrite. Coïncidences ? Nemesis n'y croyait pas ! Tout avait une raison, une cause et, bien évidemment, des conséquences ! Alors qu'elle affichait toujours son immuable sourire elle se surprit à énoncer tout haut cette question qui lui brûlait les lèvres :

A quoi cela ressemble-t-il ? L'époque d'où tu viens... Les choses sont-elles vraiment différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui ? puis, s'avançant vers la jeune élève de Poudlard, elle soupira tout en secouabnt ses soyeuses boucles dorées et rit doucement en ajoutant d'une voix mutine et si parfaitement innocente Je suis désolée si mes paroles peuvent t'apparaître quelque peu déplacées ou indiscrètes... Je concevrais même que tu puisses les trouver intrusives mais... Je t'assure qu'il n'en est rien Luna. s'empressa-t-elle d'ajouter avec une sincérité qui l'étonna elle-même. Mais j'avoue que tout cela me dépasse... Il y a tant de questions que je me pose ! Comment est-ce ce futur qui, pour toi n'est qu'un présent qui doit terriblement te manquer ! Comme ce père que tu évoques... Tu es forte. Bien plus forte que je ne le suis même en un sens. Mets-moi à une barre et je défendrai mon client comme une tigresse mais... Mais si jamais l'on m'ôtait, du jour au lendemain, mon frère ou mon amour... Là je perdrais tout... les yeux de l'avocate s'assombrirent tandis que son corps semblait parcouru par un frisson glacial. Là, affichant ses airs de petite poupée de porcelaine si frêle et fragile, jouant sur des émotions qu'elle n'avait pas même à feindre pour une fois, la jeune comédienne baissa les yeux et murmura comme sur le ton de la confession Contrairement à la légende les avocats aussi ont une conscience, tu sais ? Et il nous arrive même d'avoir un cœur. Enfin j'en possède un... Et celui-ci ne bat que pour mon frère et pour cet homme que j'aime plus que tout. Pour eux il n'y a rien que je ne ferai et sans eux, séparée d'eux... Je pense que je deviendrai folle de chagrin... Alors je pense pouvoir comprendre ce que ton père représente pour toi. Vous devez être très proches non ?

Nemesis avançait doucement, oscillant entre retenue et fausses apparences ingénues. Elle savait, de par son métier et son expérience, qu'il n'était jamais bon de trop presser une personne que l'on voulait faire parler. Les gens ne se confient que lorsqu'ils se sentent en confiance. Et, même si la jeune Lovegood, pouvait aisément passer pour une jeune évaporée, l'avocate savait qu'elle en avait bien plus dans le ventre qu'il n'en paraissait. A sa place bon nombre se seraient déjà effondrés devant autant d'épreuves ! Mais, déjà, dès le procès, Luna avait su faire preuve d'une détermination et d'un certain courage que Nemesis admirait à défaut de, il ne fallait pas non plus trop lui en demander, le respecter. En d'autres circonstances elle aurait pu porter un semblant d'intérêt sincère à cette gamine. Après tout elle en appréciait la liberté affirmée, cette capacité à se contreficher éperdument de ce que les autres pouvaient bien penser d'elle... Nemesis qui, elle, ne vivait que par le regard des autres, enviait presque cette liberté que Luna, elle, possédait. Mais la Vie ne les avait pas faites se rencontrer pour qu'elles deviennent des amies. Et quand bien même Nemesis était bien décidée à gagner la confiance de cette gosse du futur elle n'hésiterait pas, une fois cela fait, à la manipuler, l'utiliser et à la trahir. Car, elle le lui avait dit, Nemesis Colloway possédait un cœur et celui-ci la guidait bien plus qu'elle ne l'aurait même cru possible. Et, mille fois hélas pour la jeune Lovegood, ce palpitant qui savait parfois se montrer bien tendre n'était, pour la blonde évaporée, que roc impénétrable. Cette fille savait des choses que Nemesis brûlait de découvrir. Elle le devait. Pour elle mais surtout pour cette cause qu'elle avait embrassée par amour pour Gwendall avant d'y adhérer pleinement. Mais il fallait parfois se montrer patiente. Et Luna Lovegood ne devait surtout pas être sous estimée. Cela, Nemesis en était persuadée ! Tout juste se contenta-t-elle de répondre dans un sourire désarmant

- Pourquoi ne m'intéresserais-je pas à toi plutôt ? dit-elle d'un ton rieur et en avalant d'autres sucreries tout en pouffant comme une adolescente . Haussant les épaules elle suçota son bonbon tout en répondant d'un air détaché Je pourrai dire que je me suis prise de compassion pour toi lors du procès mais cela serait faux. Quoique j'ai fait à cette époque je l'ai fait parce que c'était mon métier. Certes ta cause m'avait émue mais j'avais tout à y gagner en te défendant... Alors, non, cela n'a rien de professionnel ! Disons, pour être honnête, que même si cela te surprends ce que tu es et ce monde d'où tu viens et dont j'ignore tout m'intrigue et me fascine. Qui n'a jamais eu envie de pouvoir changer l'histoire en retournant dans le passé ? Moi je l'ai... Il y a tant de choses qui pourraient êtres différentes pour moi aujourd'hui si jamais des gens n'avaient pas décidé à ma place des années auparavant ! Oui, tant de choses pourraient changer si, comme toi, je pouvais remonter le temps... Peut-être même serais-je heureuse maintenant... Dis moi Luna... N'y penses-tu jamais toi ? N'y a-t-i rien que tu désires parfois changer ?

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L

una observait son interlocutrice avec des yeux plus écarquillés encore que ceux qu’elle pouvait afficher d’ordinaire, ne dissimulant rien de sa curiosité. Elle observait Nemesis comme l’on regarde cette catégorie de personne dont la personnalité nous échappe, qui nous intrigue quand elle ne nous exaspère... Somme toute, la bleue et bronze fixait l’avocate comme la plupart des élèves de Poudlard, ou même la plupart des élèves, avaient l’habitude de la regarder elle. Oui, Nemesis était, aux yeux de la demoiselle, un individu des plus surprenants. Elle parlait bien, elle parlait beaucoup (sans doute fallait-il cela lorsqu’on était avocat), elle posait bon nombre de questions sans directement lui laisser le temps d’y répondre, elle semblait avoir une vie à la fois compliquée et fascinante, elle lui parlait sur le ton d’une confidence que leurs différences d’âge et de situation n’aurait normalement pas pu permettre. Oui, aux yeux de Luna, Nemesis Colloway ne ressemblait à aucune autre des personnes qu’elle avait pu rencontrer. Ce flot d’idées et de paroles qui lui échappaient des lèvres lui laissaient presque penser que des joncheruines lui occupaient la tête. Oh, ce n’était pas une accusation ou un reproche. Au contraire, cela n’en rendait la jeune femme que plus fascinante. Elle appréciait sa franchise (ou ce qu’elle laissait supposer de franchise), sa curiosité... autant de «qualités» qui n’étaient pas si éloignées des siennes, au fond.

-C’est normal que vous vous le demandiez... dit-elle quand enfin l’occasion lui fut donnée de prendre la parole. Que vous me demandiez comment est la vie dans le futur. C’est normal mais vous êtes la première de ceux qui savent à me poser la question... Luna marqua une pause, comme pour elle-même réfléchir aux raisons pour lesquelles, de ceux qui étaient désormais au courant (notamment Miyria et Pomona), personne n’avait posé cette question.. ou du moins pas à elle. Je suppose qu’ils ont peur de ne pas me croire. ajouta-t-elle, l’air plutôt indifférent, avant de mâchouiller l’un de ses bonbons.

Elle en mangea encore deux autres avant de poursuivre. Elle ignorait si elle devait parler encore davantage de son père à cette jeune femme qui, quand bien même elle avait été une avocate, restait tout de même une inconnue pour elle (pour preuve, c’était la première fois qu’elle entendait qu’elle avait un frère, ou un petit ami, ces deux personnes qui semblaient compter à ce point pour elle). Il n’y avait pas forcément de danger à parler de Xenophilius Lovegood, mais avoir passé tant de temps à éviter même de l’évoquer rendait le fait d’en parler à nouveau plus compliqué... et plus douloureux, également.

-Quand on part en voyage, il y a toujours quelqu’un pour nous manquer. Mais ça ne rend le retour chez soi que plus agréable, non ?

Oui, en fait, c’était plus une question qu’une affirmation... Tout simplement parce qu’au fil du temps, tous les voyageurs avaient, semble-t-il, fini par renoncer à l’idée de retourner à leur époque un jour, et songé qu’ils resteraient sans doute ici pour toujours. Certes, à présent que le département des mystères s’était emparé de l’affaire, l’on pouvait retrouver un semblant d’espoir, mais qui ne suffisait pas à balayer ce logique état de pessimisme dans lequel ils s’étaient tous trouvés récemment.

-Nous sommes ici par erreur, ce n’est qu’en voyage, une étape. Quand on rentrera, je veux retrouver mon époque ainsi qu’elle était avant.

Et c’était évidemment pur fantasme que d’imaginer que les choses puissent se dérouler ainsi. Il s’était passé trop de choses, trop de variables avaient été modifiés, pour qu’aucun des voyageurs ne puissent encore s’imaginer rentrer chez soi... mais le dire était comme retrouver un semblant d’optimisme. Et ce n’était pas un mal, au contraire.

-Mais c’est vrai que j’y ai déjà pensé, à tout changer...

Comme tous les autres, elle n’avait pu ignorer que détruire Voldemort tant qu’il n’avait pas encore acquit sa pleine puissance était une perspective tentante. Elle avait même participé à tout changer, déjà... mais il y avait des frontières à ne pas franchir. Et les circonstances désastreuses qu’avait entraîné la mort de Grindelwald, qui n’aurait pas dû connaître un tel sort, lui en avait pleinement fait prendre conscience. Elle comprenait, cependant, qu’il soit plus simple pour elle (ou encore pour Ginny, qui avait toujours été la seule du groupe à se battre pour que rien ne soit modifié) de se résigner enfin. À Neville ou à Harry, la défaite de Voldemort était la possibilité de gagner sa famille.
Quoi qu’elle fasse, Luna, elle, doutait de pouvoir faire quoi que ce soit qui puisse un jour faire revenir sa mère.

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