La solitude est essentielle à la fraternité

Dorea avait sincèrement l’impression que sa sœur abusait. Elle n’était peut-être pas la plus objective en cet instant précis, mais il était toujours question de compromis avec Cassiopeia, et elle commençait sincèrement à trouver cela pesant. Les cachotteries, les mystères… ça la fatiguait. Elle en faisait aussi bien sûr, et même à sa propre famille concernant Marius, mais ce n’était pas la même chose. Tout le monde savait que Cassiopeia avait un comportement anormal, qu’elle avait tendance à s’isoler, et le fait qu’elle ne dise jamais rien sur elle ou presque n’arrangeait pas les choses, loin de là. Dorea ne pouvait pas forcer sa sœur, mais elle aimerait tout de même qu’elle fasse un peu plus d’efforts.

Elle était malade, de ce qu’elle disait. Pourtant, elle ne se comportait pas comme quelqu’un de malade. Elle comprenait qu’elle voulait les protéger, ne pas montrer ses faiblesses et ne pas les inquiéter. Mais elle les inquiétait quand même en ne disant rien. Tout le monde était inquiet. Les Black avaient tous beaucoup d’ego, donc cela devait jouer aussi. Elle avait envie de se débrouiller seule, d’être forte. Elle pouvait comprendre, mais ce n’est pas pour autant que cela la réjouissait. Elle aurait préféré que Cassiopeia l’annonce à Pollux au moins. Depuis la mort de leur père, ils ménageaient autant que possible leur mère, mais tout de même. Enfin, elle ne dirait rien si Cassiopeia ne voulait pas en parler.

-J'ai bien essayé de ne rien te dire. Mais tu es sacrément persuasive, quand tu le décides.

Dorea n’avait pas envie de rire. Elles parlaient de choses sérieuses, entre autre, la santé de sa sœur. Même si Cassiopeia affirmait travailler sur un remède, elle n’était pas rassurée. Elle avait peur. Peur de perdre sa sœur. Elle avait déjà perdu son père, Marius en quelque sorte, elle ne pouvait perdre aussi Cassiopeia. Bon certes, Irma aussi était morte, mais Dorea n’avait jamais été très proche d’elle. Quoiqu’il en soit, elle n’avait pas du tout le cœur à plaisanter ou sourire. Et elle n’aimait pas le fait que Cassiopeia lui reproche le fait de vouloir en savoir plus. Il était normal de s’inquiéter.

« Parce que c’est de ma faute maintenant ? Excuse-moi de me soucier de toi. »

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La solitude est essentielle à la fraternité

Dorea prenait sans doute un peu trop la mouche facilement. Elle n’était pas très conciliante pour le coup. Mais elle ne faisait pas exprès. Elle prenait chaque remarque de sa sœur comme un reproche, même si ce n’était pas le cas. Le plus triste, c’est que Dorea ne pouvait pas affirmer connaître sa sœur par cœur. Elle l’aurait fait il y a quelques années, mais maintenant qu’elle s’isolait et faisait des cachoteries, elle avait l’impression de ne plus la connaître, et c’était un réel crève-cœur pour elle.

Peut-être qu’au final, le réel souci venait d’elle. Entre Marius qui était renié, Pollux qui avait sa vie à gérer et Cassiopeia qui mettait de la distance, Dorea avait parfois l’impression que sa famille la fuyait, ou que le sort s’acharnait à diviser leur fratrie. Peut-être accordait-elle trop d’importance aux liens familiaux, mais elle n’avait aucune intention de changer cela. Leur père était mort, et Marius était renié, elle n’avait aucune envie que leur famille continue de se disloquer. Mais elle ne pouvait pas non plus forcer sa sœur et ses frères. C’était un rapport de force trop épuisant à son goût.

-Je n'ai pas souvenir d'avoir dit que c'était de ta faute.

D’accord, Dorea avait peut-être surinterpréter les choses, mais cette situation la mettait à cran, et elle avait grande peine à se montrer calme et détachée. Le but n’était pas du tout qu’elles en viennent à se disputer. Elles se voyaient tellement peu que si elles se chamaillaient lorsqu’elles se voyaient, la situation serait pire, et Cassiopeia en viendrait peut-être à ne plus vouloir la voir, mais la plus jeune des deux n’arrivait pas à mettre de l’eau dans son vin.

-Tout ce que je veux, c'est vous préserver. Toi, Pollux, les parents. J'ai la situation en mains. J'ai juste besoin de temps, et tout redeviendra comme avant.

Dorea ne pouvait pas vraiment vérifier ce qu’elle lui disait. Cassiopeia affirmait des choses, faisaient des promesses, mais ce n’était que sa parole. Etant donné qu’elle ne voulait rien dire de toute façon, ce n’était pas comme si Dorea pouvait la contredire. Elle n’avait pas le choix, et elle détestait ne pas l’avoir. Se retrouver au pied du mur, c’était une des pires choses pour elle.

« Si tu le dis. Je ne peux pas vraiment faire autre chose que te croire sur parole. »

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Dorea se rendait bien compte qu’elle était de mauvaise foi, et qu’elle se montrait un peu dure avec sa sœur. Elle ne faisait pas exprès. C’était presque plus fort qu’elle. C’était comme si sa frustration parlait à sa place. Ce n’était pas forcément la bonne chose à faire, elle le reconnaissait, mais elle n’arrivait pas à se modérer. Des deux, il est certain que c’était Cassiopeia qui faisait le plus d’efforts, Dorea n’en faisait aucun. Mais elle avait l’impression que dès qu’elle tentait de faire un pas vers sa sœur, cette dernière en faisait deux en arrière, et il n’y avait rien de plus agaçant.

Sa sœur était censée être malade, alors elle devrait accepter le soutien de sa famille. Dorea n’arrivait pas à comprendre son fonctionnement, et elle n’avait pas du tout le même, c’était une certitude. Parfois, elle en arrivait presque à se demander comment elles pouvaient être sœurs, tant elles étaient différentes. Mais elles se ressemblaient tout de même sur quelques points. Comme la susceptibilité, l’entêtement… ce genre de choses, qui était communes à quasiment tous les Black. Dorea ne voulait pourtant que le bien de sa grande sœur. Elle était inquiète pour elle, parce que la jeune femme ne la rassurait pas vraiment. Elle n’avait pas envie d’entendre que sa sœur s’éloignait parce qu’elle avait une maladie incurable, et elle n’avait pas envie d’entendre qu’elle ne devait rien dire à personne… elle ne voulait pas de cette situation, tout simplement.

-Désolée qu'il soit si difficile de me faire confiance.

La jeune femme soupira. La situation était vraiment en dents de scie depuis le début. Elle ne savait pas comment arranger les choses, probablement en se montrant un peu moins bornée, mais ce n’était pas quelque chose qu’elle arrivait à faire pour le moment.

Mais elle n’avait aucune envie de perdre sa sœur définitivement, alors il était peut-être temps qu’elle mette un peu d’eau dans son vin. Ce n’était pas du tout son genre, Dorea n’était jamais la personne qui tentait d’arranger les choses, et ce, peu importe la personne qui était en face d’elle. Mais elle devait admettre qu’elle avait peut-être un peu exagéré pour cette fois. Et puis, elle pouvait bien faire quelques efforts avec sa sœur.

« Il n’est pas difficile de te faire confiance. Je me doute que la situation est loin d’être simple pour toi, mais tu dois bien reconnaître que ça ne l’est pas pour moi non plus. Pas pour les mêmes raisons, certes, mais tout de même. »

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Dorea ne prenait aucun plaisir à se prendre le chou avec sa sœur. Vraiment. C’était souvent le cas, parce qu’elles avaient du mal à se comprendre, mais Cassiopeia restait sa grande sœur, et Dorea l’aimait. Mais ce n’était pas toujours simple. Chez les Black, ils avaient souvent de gros caractères, et surtout beaucoup de fierté. Il n’était donc pas rare que les choses deviennent tendues, et électriques. C’était habituel, mais cela n’enlevait rien au fait que ce soit pesant également.

Elle aurait, bien entendu, préféré une autre relation avec sa sœur. Plus de complicité, de tendresse. Elle aurait aimé pouvoir trouver en sa sœur, une confidente, une bonne amie, mais ce n’était pas le cas. Et elle le déplorait. Elle s’en rendait parfaitement compte, quand elle se disait qu’elle était bien plus proche de sa cousine que de sa sœur. Cassiopeia et Dorea n’avaient pas non plus, une mauvaise relation, mais elles n’étaient pas proches. Pas vraiment. Et de ce que la jeune femme comprenait, ce n’était pas près de changer.

-Je le reconnais.

Elle le reconnaissait, c’était déjà une bonne chose, selon Dorea. Elle n’avait pas envie de jouer la victime, elle gardait à l’esprit que sa sœur était malade, même si elle ne comprenait pas vraiment à quel degré, étant donné que sa sœur n’avait pas été des plus explicites non plus à ce sujet. Mais elle n’avait pas envie non plus que sa sœur la prenne pour la méchante, parce qu’elle se montrait un peu distante. Dorea n’avait peut-être pas la meilleure des attitudes, elle le reconnaissait, mais ce n’est pas pour autant qu’elle restait totalement fermée et froide, face à son aînée.

-J'en ai conscience, vraiment. Et je suis vraiment désolée pour ça.

Elle hocha la tête. Elle appréciait le fait qu’elle soit désolée, et elle ne pensait pas que sa sœur lui mente, pas sur cela, mais elle avait tout de même du mal à baisser totalement sa garde, et à chaque qu’elle la voyait, elle ne pouvait s’empêcher de se demander, combien de temps s’écoulerait avec la fois d’après. Et à chaque fois, elle vivait très mal ce moment d’absence.

« Je sais. Je ne t’accuse pas, la situation n’est facile pour personne. »

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Leur conversation était très en dents de scie. Un coup les choses s’apaisaient, puis l’instant d’après, elles repartaient sur une petite pique, et voilà que c’était à nouveau tendu. Dorea n’y pouvait rien, c’était plus fort qu’elle, sa sœur l’agaçait. Enfin, ce n’était pas vraiment elle qui l’agaçait, mais c’était sa manie à tenir les gens éloignés, soi-disant pour leur bien, et tous les mystères qu’elle en faisait. Elle promettait des choses, certes, et Dorea avait envie de la croire, mais ce n’était pas le plus simple. Elle avait du mal à faire confiance à Cassiopeia et ce constat lui faisait de la peine. Elle aurait aimé que les choses en soient autrement, mais ce n’était pas le cas. Elle n’avait pas envie que cela reste ainsi, alors elle était prête à faire des efforts, et être tentée de la croire.

Dorea aurait voulu que cet était soit totalement naturel, mais ce n’était pas le cas, malheureusement. Mais elle était tout de même consciente qu’il y avait quelques efforts à fournir. Et elle était prête à les fournir, parce qu’elle voulait vraiment que la relation avec sa sœur s’arrange. Elle voudrait qu’elles puissent retrouver la complicité qu’elles avaient avant. Certes, Cassiopeia avait toujours été indépendante, mais elle était moins absente avant. Elle avait toujours été appliquée dans son travail, et désireuse de réussir, mais elle n’avait jamais oublié sa famille pour autant. Alors Dorea voulait bien croire qu’elle était malade, mais cela ne la rassurait pas pour autant. Cassiopeia lui avait donné une raison pour ses absences, mais cela ne lui convenait pas. Parce que sa sœur refusait l’aide que Dorea avait voulu lui apporter, et en échange, elle devait juste se taire, ne rien dire à personne et espérer que les choses s’arrangent. Ce qu’elle avait beaucoup de mal à concevoir, et à accepter, il fallait bien le reconnaître.

-Ecoute, je vais faire des efforts. Tu pourras toujours me le reprocher si je ne tiens pas mes engagements, mais laisse-moi au moins une chance de me rattraper, d’accord ? J’ai fait une montagne de rien du tout, je vais bien, j’avais juste besoin qu’on me remette les pendules à l’heure. Et si je vous invitais, toi, Charlus et Pollux, à venir dîner le week-end prochain ? Qu’est-ce que tu en penses ?

C’était souvent le même discours, avec sa sœur. Elle promettait de faire des efforts, qu’elle allait être plus présente, mais en général, cela ne tenait pas très longtemps. Ou alors, Cassiopeia avait vraiment l’impression de faire des efforts, mais ils n’étaient pas assez conséquents pour Dorea. Quoiqu’il en soit, elle faisait déjà l’effort de vouloir les inviter, mais Dorea ne négligeait pas l’option où sa sœur annulerait, mais bon, il ne fallait pas non plus être trop mauvaise langue.

« Oui, pourquoi pas. Cela pourrait être une bonne idée. »

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Dorea n’y mettait pas la plus grande volonté qui soit, c’était un fait. Elle avait peut-être tort de prendre la proposition de sa sœur avec des pincettes, mais elle n’allait pas se montrer enthousiaste pour quelque chose qui avait des chances de se voir annuler. Evidemment, quand quelque évènement était prévu, il y avait toujours un risque d’annulation, mais disons qu’avec Cassiopeia, ce risque se transformait en forte probabilité. Elle ne voulait pas condamner sa sœur en avance, mais elle préférait se dire que cela n’allait pas se faire et être agréablement surprise que de se faire une fausse joie pour rien.

Il ne fallait pas tout prendre de travers, Dorea apprécierait beaucoup cette soirée que lui proposait sa sœur. Elle était toujours partante pour passer du temps avec sa famille, mais il était parfois compliqué d’arriver à mettre la main sur cette famille et de réunir tout le monde. C’était presque un exploit quand cela se produisait. Pollux était un homme très occupé, Cassiopeia aussi d’après ses dires alors pour que les deux soient libres en même temps… ce n’était pas la chose la plus simple à accomplir.

-Très bien. Tu n'as qu'à me donner vos disponibilités, à toi et Charlus, je me charge de contacter Pollux.

Dorea hocha la tête. Elle savait que Charlus n’y mettrait pas d’objection. Déjà parce qu’il ne lui refusait jamais rien, et ensuite parce qu’il s’entendait bien avec sa famille, il s’était parfaitement intégré chez les Black. Encore que, elle ne savait pas exactement quelle relation il avait avec sa sœur, parce qu’il n’avait pas dû passer tant de temps que cela avec elle, mais il avait beaucoup d’admiration pour Pollux et il l’appréciait. En tout cas, elle était certaine qu’il serait d’accord pour ce dîner.

La jeune femme était prête à parier que Pollux serait surpris par cette initiative, et aurait les mêmes réserves qu’elle, mais dans l’ensemble, il devrait lui aussi être enchanté par cette proposition. Ils avaient le temps de voir venir, et ils verraient bien si cela se fait ou non. Dorea espérait que oui tout de même.

« Très bien. Je lui en parlerai et je te dirai quand il sera libre. Son emploi du temps n’est pas toujours fixe, à cause des affaires, mais je ne doute pas qu’il sera enchanté par cette proposition. »

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