Mr et Mrs Prince ne s'étaient pas mariés par amour. Comme beaucoup d'autres couples de leur époque et de leur classe, leur union avait été arrangée. Et ce ne fut pas au sein d'un foyer aimant, mais bien par pure convenance que la petite Eileen naquit. Ses parents auraient sans doute préféré un fils pour héritier, mais dans tous les cas, ils ne renouvelèrent pas l'essai, et Eileen demeura fille unique, ce qui rétrospectivement lui convenait assez (pas qu'elle n'avait pas envie de se partager l'affection de ses parents avec un petit frère ou une petite soeur - il n'y avait pas vraiment d'affection à partager en premier lieu, mais elle se satisfaisait très bien de la solitude qui lui était accordée). Elle mena une enfance solitaire, ponctuée des leçons de type "bourrage de crâne" dispensées par un précepteur taciturne, et les disputes incessantes de ses parents, qui ne se privaient jamais d'étaler leurs scènes de ménage sous ses yeux... ce qui devait sans doute compenser le fait que dès qu'ils quittaient le manoir familial, ils agissaient comme le couple parfait, équilibré, et absolument pas dysfonctionnel qu'ils n'étaient absolument pas, pourtant.

Eileen observait, ne disait rien. Au fond, elle aurait aimé grandir auprès de parents aimants, et qui s'aimeraient, mais elle avait su très tôt qu'ils ne l'écouteraient pas. Elle était un rouage parmi d'autres au sein d'une mécanique bien huilée, les rouages n'avaient pas droit au chapitre. Alors Eileen restait dans son coin, elle lisait, beaucoup, et elle observait le monde avec cette distance nécessaire qui lui laissait espérer qu'elle ne deviendrait jamais aussi cinglée que ses parents.

Ce fut, pour elle, un vrai soulagement que de rejoindre Poudlard, afin d'échapper ne serait-ce qu'un peu à la présence de ses géniteurs. Malheureusement, elle devait bien vite réaliser que le collège était un enfer miniature, peut-être ce qu'il fallait de préparation pour affronter l'enfer réel que serait sans doute le monde des adultes. Elle fut envoyée à Serpentard. Elle ne protesta pas. Peu importe la maison où on l'aurait envoyée, elle ne pensait pas qu'elle s'y serait sentie à sa place quoi qu'il en soit.

Elle détestait chaque seconde passée à Poudlard. Elle détestait la médiocrité de ses caparades, elle détestait les considérations basiques de chacun d'eux, elle détestait les cours, ses professeurs, l'ambiance, elle détestait tout. Sauf une chose. Contre toute attente. C'était de force qu'on l'avait poussée à jouer aux bavboules la première fois... mais il fallait qu'elle l'avoue, elle adorait ça. Ce fut la seule chose dans laquelle elle consentit réellement à s'investir : elle devint présidente du Club de Bavboules de Poudlard et capitaine de l'équipe de Bavboules de Poudlard. C'est sans doute la seule bonne expérience qu'elle retiendra de sa scolarité. Même si cela la contraint à côtoyer... des gens. Et elle déteste ça.
Côtoyer des gens. Et les gens eux-mêmes.

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