Sur le divan [pv Lisbeth :3]

Sur le divan

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ill ne croyait pas dans la psychanalyse. Pour elle, c'était une science neuve et abstraite qui prenait beaucoup de votre temps et de votre argent pour un résultat en soi très relatif. Elle n'y croyait pas, et pourtant, elle ne troquerait ses séances contre rien au monde ou presque. Elle n'était honnêtement pas convaincue que le temps qu'elle passait auprès de Lisbeth Benson avait un quelconque impact sur sa psychée et sur son comportement en règle général, mais elle voulait bien croire en revanche que ces moments lui faisaient du bien.

La première fois qu'elle avait rencontré Mrs Benson, elle avait un peu traîné les pieds, pas franchement ravie ni convaincue. Mais elle se sentait complètement paumée, elle venait de perdre ses parents dans des circonstances proprement atroces et avait découvert une vérité absolument lourde à porter, alors déverser tous ses troubles sur le divan d'un psy, ça ne lui avait pas semblé si terrible que cela, au bout du compte.

Et en effet, ça n'avait pas été si terrible. Will aimait bien Lisbeth, elle l'aimait même beaucoup. C'était une femme qu'elle trouvait intelligente et intéressante, et elle admirait son talent d'écoute, surtout qu'elle ne l'avait jamais franchement ménagée. Et ce dès le départ. Elle avait parlé, d'office, de tout. Un vrai moulin à parole, inarrêtable. Elle avait parlé précisément de la mort de ses parents, des circonstances de cette dernière, de sa découverte du monde de la magie. Et depuis, à chacune de ses séances, elle poursuivait sur sa lancée.

Elle lui parlait de ses projets de vengeance, de Carlotta, de Terrence. Ce qui devait la faire à la fois passer pour une psychopathe, à ainsi vouloir se venger si cruellement de tous ceux qui lui avaient fait du mal, et pour une tarée finie, à parler avec autant de certitudes d'un monde dont son interlocutrice ne devait pas soupçonner l'existence (encore que)... mais elle se fichait bien de ce que cette femme pensait d'elle. Elle était là pour l'écouter, non ? Alors Will parlait, elle parlait, parlait, même quand c'était pour ne rien dire, et ne se laissait arrêter sous aucun prétexte.

Ce jour-là, à peine entrée dans le bureau de Mrs Benson, elle donna le ton d'entrée de jeu. Elle se vautra immédiatement sur le divan comme si elle était chez elle et s'exprima à coeur ouvert sur le sujet du moment, celui qui la troublait et l'inquiétait le plus, et concernant lequel elle ne savait trop comment se situer.

-Les parents de Terrence lui ont trouvé un fiancé, décréta-t-elle alors. Il dit qu'il va tout envoyer promener pour moi, mais honnêtement, je suis pas certaine qu'il ait le courage de le faire. Je devrais avoir confiance en lui, pourtant, mais j'y arrive pas. D'une façon ou d'une autre, je me dis que la situation va aller qu'en empirant.

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Lisbeth aimait son métier, elle l’adorait même. Elle le prenait particulièrement à cœur et elle savait parfaitement pourquoi, parce que c’était ainsi qu’elle avait été sauvée. Sans son époux et le travaille qu’ils continuaient de mener au quotidien, elle ne serait pas sauvée. Mais Gregory l’avait sauvé alors de son côté, elle avait à cœur d’aider le plus de personne possible. Lisbeth avait une clientèle bien plus féminine que masculine. C’était comme cela, elle se sentait plus à l’aise avec des femmes et elle avait à cœur d’aider celles-ci. Ça lui arrivait de recevoir parfois des hommes dans son bureau, mais elle s’était spécialisée dans la psychologie féminine. Elle avait de nombreuses patientes, toutes aussi différentes les unes que les autres. Il n’y avait pas qu’une seule psychologie, il y en avait autant que pour chaque humain de cette planète.

Elle ne s’en sortait pas trop mal. Il y avait cependant des cas plus… fort que d’autres. Aujourd’hui, Lisbeth devait recevoir Wilhelmina Tilley, une jeune femme particulièrement troublée. Lisbeth savait qu’elle devait garder une certaine distance, mais par moment elle pouvait reconnaître qu’elle y voyait des délires de sa jeunesse. Cette femme avait un traumatisme important depuis la mort de ses parents, elle s’était inventée une explication rocambolesque pour justifier la perte horrible qu’elle avait subi. Clairement, le cas de cette femme était clinique et par moment, Lisbeth se disait qu’elle devait peut-être agir plus frontalement avec elle. Non pas que faire interner une personne soit une solution acceptable, au contraire Lisbeth préférait largement ne pas avoir besoin d’en arriver là. Mais si ses patientes commençaient à devenir un danger pour elles-mêmes ou pour les autres, il fallait bien qu’elle agisse. Mais pour le moment, la psychologue ne pensait pas avoir encore besoin d’en arriver là. Pour le moment.

À peine Lisbeth avait ouvert la porte de son bureau et salué la jeune femme, que celle-ci se dirigeait directement sur le divan pour commencer à lui parler. Lisbeth s’installa à son bureau, son carnet de note sous les yeux. Elle y avait noté toutes les informations que Will lui avait raconté. Le monde magique qu’elle avait imaginé, les mangemorts et sorcier de sang pur qui étaient responsables de la mort de ses parents. Et le fameux Terrence, ce sorcier de sang pur qu’elle aimait alors qu’elle devrait détester. Tout était noté, toutes ces histoires, toute son imagination. Et elle commença à y noter ce que Will était présentement en train de lui dire.

« Qu’est-ce qui t’empêche de lui faire confiance ? » Lui demanda-t-elle simplement. Lisbeth savait s’adapter à ses patientes. Certaines parlaient beaucoup et rapidement, sans qu’elle n’ait besoin de dire grand-chose, juste de souligner un point en particulier afin de leur permettre de se rendre sur un chemin qu’elle voulait aborder.

Là, ce qui l’intéressait, c’était ce manque de confiance qu’elle mettait en avant. Elle se doutait que ce Terrence devait venir de quelque part. Son histoire était une fable bien sûr, mais il devait peut-être avoir un existence d’une quelconque manière.

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e n'était pas pour rien si Will s'était laissée si facilement prendre au jeu de la psychanalyse avec Lisbeth Benson. Au-delà du fait qu'elle pouvait vider complètement son sac sans rien omettre et sans prendre de pincettes, elle n'était pas obligé de jouer avec la réalité comme elle le faisait avec tant d'autres. Car à vrai dire, Will mentait presque constamment. Terrence était celui avec qui elle s'était montrée le plus honnête, le seul à qui elle avait tout dit, car même à Carlotta, elle avait édulcoré ses projets de vengeance dans le but, au départ, d'endormir sa confiance. Mais elle ne pouvait pas parler de ses doutes au sujet de son petit ami à ce dernier, et à ce titre, Lisbeth était par conséquent une interlocutrice en or.

Bien sûr, Will savait que la psychologue ne croyait pas un traître mot des histoires de sorciers et de mangemorts qu'elle lui racontait. Elle se doutait d'ailleurs qu'elle essayait de la libérer de ce qu'elle devait s'imaginer être un refuge dans l'imaginaire, pour ne pas affronter la terrible réalité de la mort de ses parents. Oui, mais ce n'était pas le cas, et que son interlocutrice la croie ou non n'était pas très important. Ce qui comptait, c'est qu'elle ne perdait pas de temps à essayer de la convaincre qu'elle se faisait des films. Elle n'encourageait pas ce qu'elle devait imaginer être ses délires, mais elle ne perdait pas de temps à la convaincre qu'elle délirait, et ça, c'était bien. A la place, elle entrait dans le vif du sujet, posait les bonnes questions, et c'était parfait ainsi. Oui, Will parlait beaucoup des sorciers, des mangemorts et de sa nouvelle vie, mais ce n'était pas vraiment ce dont il était question en cet instant, non, il n'était question que d'elle, de ses sentiments et de ses incertitudes. Elle avait besoin de réponses claires, et qu'on la guide sur le comportement à adopter avec ce jeune homme qui semblait à lui seul capable de lui faire perdre tout sens commun.

-Eh bien, déjà, c'est un coureur et tout le monde le sait. Il me dit que je suis différente, et je sais qu'il le pense, mais peut-être qu'il finira par se lasser de moi ? Surtout qu'on a jamais... Elle réfléchit à une manière élégante de dire les choses, mais rien de franchement raffiné ne lui vint à l'esprit. ... consommé. Peut-être que Mrs Benson s'offusquerait, parce que ce genre de consommation ne devait se faire que dans les liens maritaux pour beaucoup. Mais bon, dans les faits, hein... Ensuite, on appartient à deux mondes différents, et même s'il pense qu'il est prêt à tout abandonner pour moi, c'est pas pareil de le vivre vraiment. C'est encore le début de notre histoire. Tout est beau, tout est rose, mais on sait bien que ça dure jamais, ça... Ce serait normal qu'il décide que je n'en vaux pas la peine. Il sait ce qu'il va perdre mais pas forcément ce qu'il va gagner.

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Le fameux Terrence, d’une manière ou d’une autre, existait. Dans quelle mesure ? C’était la question que se posait Lisbeth quand elle écoutait la jeune femme parler. Will était très clairement dérangé, sinon elle n’aurait pas décidé de fondre son esprit dans un monde de magie, de mangemort, de sorcier. La mort de ses parents était un traumatisme qu’elle avait du mal à surmonter et pour que ça soit plus facile, elle avait trouvé cette solution, celle de chercher des réponses dans une imagination bien trop débordante. Parce qu’il était impensable pour elle d’accepter le fait que ses parents puissent être morts dans un accident, comme c’était le cas. C’était beaucoup plus facile d’avoir un coupable à blâme. Ça c’était les mangemorts. Lisbeth cherchait maintenant à déterminer ce que pouvait représenter le reste. Carlotta notamment, l’amie qui lui avait permis de rentrer dans le « monde magique », comme le lapin blanc permettant à Alice de se rendre dans le pays des merveilles. Terrence donc. Qui était-il ?

Un homme ça c’était évident. Lisbeth partait du principe, pour le moment, qu’il était fort possible qu’il existait pour de vrai, qu’il y avait bel et bien un jeune homme dont Will était amoureux et qu’elle s’interdisait d’aimer pour une raison ou une autre. Son excuse était qu’il était un sorcier, mais dans la vraie vie il devait y avoir autre chose. Un très grand manque de confiance en elle de la part de la jeune femme déjà. Lisbeth l’écouta parler, quand elle exprima le fait que le fameux Terrence était un coureur de jupon, qu’il finira par se lasser d’elle surtout qu’ils n’ont jamais… consommé. La psychologue ne put s’empêcher de noter cette information. Elle était très vieux jeux, ce genre de chose ne se faisait pas en dehors du mariage et elle ne réalisait même pas vraiment à quel point sa propre histoire la poussait à ne pas penser autrement. Cela dit, en dehors de tout cela, il y avait encore cette histoire de monde différent.

« Qu’il décide que tu n’en veuilles pas la peine ou… que tu décides ? » Will parlait toujours énormément, Lisbeth de son côté devait faire le tri dans ce qu’elle lui disait. Elle ne prendrait pas la peine de dire à la jeune femme que la magie n’existait pas, que Terrence n’était pas un sorcier et qu’elle se mettait bêtement des barrières. Non, elle soulignait des points particuliers parce qu’ils étaient les barrières qu’elle se mettait elle-même. Et plus elle baisserait des barrières, plus Lisbeth aurait accès à sa véritable histoire. « Est-ce que tu culpabilises de vivre cette histoire avec Terrence ? » Parce que ce fameux Terrence était soi-disant un sorcier comme les assassins de ses parents, ça avait forcément un rapport. Lisbeth avait besoin de mettre le doigt dessus. « Est-ce que tu as… envie de consommer avec lui ? »

Elle n’était pas pour du tout, mais Will en parlait, c’était de son devoir de le faire également et de la guider au mieux.

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ill appréciait le docteur Benson, car même si cette dernière l'estimait peut-être en plein délire, il n'empêche qu'en attendant, elle l'écoutait, et elle la laissait déblatérer ce qui à ses yeux étaient peut-être de terribles absurdités sans sourciller et sans la remettre en question... bon, si elle n'y prenait pas garde, Will risquait d'être envoyée en institut psychiatrique à la demande de son interlocutrice, mais jusqu'ici, ce n'était jamais arrivé, et à la place, elle parvenait à nourrir un véritable dialogue avec elle, qui l'aidait à mettre ses idées embrouillées au clair, ne serait-ce qu'un minimum, même s'il en faudrait sans doute davantage pour véritablement résoudre la situation dans laquelle elle se trouvait, pour la tirer du marasme au sein duquel elle se sentait empêtrée, sans être sûre d'être vraiment capable de s'en extirper.

-Oh non, je sais qu'il en vaut la peine, la question se pose pas, assura Will sans aucune hésitation quand Lisbeth suggéra que quand elle supposait que Terrence finirait par considérer qu'elle ne méritait pas tous les sacrifices qu'il acceptait de faire pour elle, c'était peut-être l'inverse qu'elle induisait.

C'est sûr, vu le portrait qu'elle faisait de Terrence, vu les doutes qu'elle affichait, il y avait sans doute de quoi s'interroger, mais dans l'esprit de Will, tout était clair et limpide. Elle l'aimait vraiment, et elle n'avait jamais ressenti ça pour personne d'autre avant lui. Si lui-même daignait tout abandonner pour elle sans regarder en arrière, alors elle-même n'envisagerait jamais ne serait-ce que de se dire qu'elle avait peut-être commis une erreur, ou que son petit ami ne méritait pas tout ce qu'elle se sentait capable de faire en son nom.

-Mais c'est vrai que je me demande parfois ce que mes parents penseraient de tout ça. C'est un peu comme si je pactisais avec l'ennemi, quelque part. Oh, je sais que Terrence n'est pas comme les hommes qui ont tué mes parents, ça je l'ai bien compris, même si ça m'a pris du temps, mais... sa famille est comme ça, elle. Et on ne peut pas vraiment faire abstraction de sa famille.

La question suivante pourrait presque la mettre mal à l'aise. Bon, c'était elle qui avait introduit le sujet, mais elle n'avait pas envie de subir le jugement de son interlocutrice sous le prétexte d'avoir des... envies. Après tout, ce n'était pas un truc de psychanalyste, ça ? De tout associer au sexe ? Il y avait sans doute un peu de vrai dans tout ça.

-Et évidemment, que j'en ai envie. Il est très séduisant, on s'attire... C'est normal, non ?

Et elle pensait que le jour où ils coucheraient ensemble, ils atteindraient un nouveau degré d'intimité. Seulement... elle ne voulait pas se donner pour le regretter ensuite.

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Will répondit de but en blanc qu’elle était certaine que ce fameux Terrence en valait la peine. Bon, au moins, elle ne semblait pas hésiter à ce sujet, ce qui en soit était une bonne chose. Même si au final, Lisbeth prenait toutes les paroles de la jeune femme sous ses yeux avec beaucoup de pincette et une sacrée dose de métaphore. Elle ne savait pas exactement à quoi s’appliquait ce fameux Terrence, elle ne pouvait même pas être certain que ce jeune homme existe réellement et qu’il ne soit pas juste le fruit de l’imagination de son interlocutrice. Cela dit, elle avait prit la décision de parler de tout cela en jouant le jeu de sa patiente, en allant dans son sens afin de pouvoir justement l’aider au mieux. Elle avait conscience que si elle rejetait les propos de la jeune femme, qu’elle la mettait face à la réalité, il y avait de forte chance qu’elle se braque et qu’elles ne parviennent pas à avancer donc.

Will mentionna alors ses parents et le fait qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander ce qu’ils penseraient de son choix. Lisbeth écouta attentivement les propos de la jeune femme, très intéressée par ce qu’elle venait de dire. Forcément elle remettait tout cela dans un contexte plus réel. Si ce Terrence existait bel et bien, il y avait une raison pour laquelle Will le rangeait du côté des « méchants qui avaient tués ses parents », ces sorciers. Elle précisa que l’homme qu’elle aimait n’était pas comme ces personnes donc, mais sa famille l’était. À force, Lisbeth se disait quand même que Will aurait peut-être besoin d’un suivi plus important, plus régulier… plus journalier. Mais, il n’était pas encore temps d’aborder ce point, elle n’avait pas envie de braquer la jeune femme. Surtout qu’elles abordaient quand même des sujets délicats.

« Je dirais que c’est… naturel. » Répondit-elle quand Will affirma qu’elle avait effectivement envie de consommer, qu’ils s’attiraient et donc que c’était normal. Lisbeth était quelque peu fermée à ce sujet, elle ne pouvait pas complètement dire que c’était normal, quand bien même effectivement l’attirance entre un homme et une femme était naturel. « Mais si tu n’as pas consommé avec lui, alors que tu en as envie, c’est bien parce que tu dois savoir que ce n’est pas le moment, qu’il n’est peut-être pas digne de tout cela. » Lisbeth faisait ses propres analyses et prenaient peut-être un peu trop les devants, mais c’était toujours dans la même démarche d’avancer avec Will. « Au vu de ce que tu me dis de lui, je comprends bien que tu puisses craindre que quand il obtiendra ce qu’il veut de toi, il te rejette. » Comme beaucoup d’homme malheureusement, il fallait quand même se rendre à l’évidence que beaucoup d’entre eux n’avaient qu’une considération très minime pour les femmes. « Tu me dis que tu ne te demandes ce que tes parents penseraient de lui. À ton avis, qu’est-ce qu’ils penseraient de lui ? »

Elle avait dit qu’elle se le demandait et donc qu’elle ne savait pas. Sauf que Lisbeth partait du principe qu’elle savait parfaitement, mais qu’elle n’osait juste pas se l’avouer.

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ill n'était pas une personne impudique, mais elle n'était pas quelqu'un de réservé non plus. Elle ne se voyait pas rougir à l'évocation de ce que beaucoup considéreraient comme un acte certes naturel, mais qui devait attendre que l'on se soit fait passer la bague au doigt (chose qu'elle a pu penser à une période, mais qu'elle a bien constaté qu'elle ne tiendrait pas sur le long terme). Elle comptait évoquer le sujet avec transparence, car après tout, les psychiatres se devaient de tenir ce genre de rôles, pas vrai ? C'est ce qu'elle pensait pour sa part en tout cas. Alors oui, elle décidait de lui en parler directement, et elle appréciait quand même que son interlocutrice reconnaisse que c'était là quelque chose de naturel sans venir le lui reprocher d'instinct, ce qui l'aurait honnêtement blessée.

Elle baissa le regard quand Lisbeth observa que si elle ne s'était pas donnée à Terrence, c'était qu'elle devait estimer qu'il n'était pas digne de tout cela. Elle avait très envie de prendre la défense de son petit ami en cet instant, et une part d'elle était convaincue qu'elle prendrait sa défense à plus que juste titre. Mais oui, il y avait du vrai dans ce qu'elle suggérait. Certes, Will ne pensait pas que Terrence la trompait ou était malhonnête dans ses sentiments, mais il avait accumulé tant de conquêtes... Même si le sexe ne devait pas être la finalité de tout ceci (car dans le cas contraire, il ne s'évertuerait pas à ce point à la courtiser sans cesse alors qu'elle lui compliquait la vie à plus d'un titre), elle redoutait que cette situation ne lui échappe, d'une façon ou d'une autre.

-Je pense qu'il veut obtenir plus de moi que juste... mon corps, répliqua-t-elle, un peu sur la défensive, elle devait le reconnaître. Mais j'ai peur de tout gâcher, de ne plus être à la hauteur, de ne pas être capable de faire ce qu'il faut, de... casser un peu l'image qu'il a de moi. C'est peut-être moi qui ne suis pas digne de tout ça... j'en sais rien.

Elle se sentait honnêtement perdue. Elle devait accepter, à un moment ou à un autre, de se laisser porter et de lâcher les armes, et c'était une perspective qu'elle trouvait angoissante, terrifiante, même. Elle n'était pas sûre d'être en mesure de l'accepter, de la tolérer.

-Je pense qu'à première vue, les parents auraient pensé comme moi, que c'est juste un gosse de riche qui essaie de tromper son ennui avec moi et qui me voit comme un défi, un trophée à remporter. Au-delà du fait qu'il est un sorcier, je veux dire. Elle marqua une pause. Mais je pense qu'en apprenant à le connaître, ils auraient été capables de voir les qualités que je vois en lui. Enfin... ma mère. Je crois que mon père n'aurait pas aimé voir un garçon, peu importe lequel, me tourner autour. Il était hyperprotecteur avec moi...

Devoir parler de ses parents lui serrait la gorge. C'était plus dur qu'elle ne le voudrait.

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Lisbeth pensait sincèrement que la consommation d’une relation devait se faire dans les règles de l’art, elle tenait sincèrement à cette règle qui voulait d’attendre le mariage. Cependant, elle savait que ce n’était pas le cas de tout le monde et elle ne jugeait pas ses patientes quand elles se laissaient aller à leur pulsion, il y avait bien pire dans la vie. Elle écouta attentivement la réponse de Will, affirmant qu’elle avait peur de tout gâcher et de ne pas être à la hauteur, de ne pas être capable de faire ce qu’il fallait. Lisbeth afficha un léger sourire avant de reprendre la parole, pour rassurer son interlocutrice.

« La peur est parfaitement normale, elle sera toujours présente. Parce que ce… moment se définit par un abandon complet ou on donne pleinement sa confiance à une autre personne. » Elle marqua une pause avant de reprendre. « Quand ça sera le bon moment et que tu seras parfaitement prête, tout cela se fera naturellement. »

Lisbeth parlait encore de bon moment et d’instant où elle sera parfaitement prête, puisqu’à ses yeux, Will ne l’était pas. Mais à ses yeux, la jeune femme n’était pas prête pour beaucoup de chose cela dit, il faudrait déjà qu’elle surmonte le traumatisme de la mort de ses parents et qu’elle réalise enfin que ses histoires ne sont que le fruit de son imagination. Cela ne servait à rien d’y aller frontalement, elle devait lui ouvrir doucement les yeux. Elle savait qu’il fallait du temps, elle savait que cette mécanique de défense était dure comme fer, puisqu’elle avait fait usage de la même. Et justement, Lisbeth avait bien envie de se concentrer sur le sujet des parents de Will.

Globalement, la jeune femme considérait que ses parents auraient fini par apprécier son « petit ami » une fois qu’ils auraient dépassé leurs préjugés, comme elle l’avait fait, au-delà cependant du fait qu’il soit un sorcier. Encore une fois, elle revenait là-dessus. Elle précisa cependant que son père aurait de toute façon mal vu qu’un garçon tourne autour d’elle, peu importait qui il était. Lisbeth savait parfaitement que c’était difficile pour la jeune femme de parler de ses parents, mais en même temps elles étaient là pour ça.

« Je suppose qu’il avait dû mal à voir sa petite fille grandir. » Lisbeth marqua une pause. Il était important qu’elles prennent la peine de revenir sur ses parents, mais elle savait aussi qu’il fallait le faire avec le plus de finesse possible. « Vous parlez de tes parents avec Terrence ? Tu te confies sur ce qu’ils ont vécu, sur ce qui t’es arrivé ? »

Elles avaient déjà eu l’occasion de parler du manque que Will ressentait, de sa colère vis-à-vis de cette mort, Lisbeth espérait pouvoir se pencher plus sur ce côte « imaginaire » qu’elle avait créé dans le but d’expliquer cette disparition.

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ill savait, au fond, qu'en effet, quoi qu'elle fasse, la peur serait toujours présente, elle ne pouvait pas disparaître en un battement de cils, ou même disparaître tout court, cela faisait partie de la nature humaine, et il était difficile, voire impossible de s'en absoudre... mais elle n'avait pas envie d'entendre ça pour autant. Elle n'avait pas envie de vivre avec cette peur, elle voulait lui mener bataille jusqu'à ce qu'il ne subsiste plus rien d'elle. Etait-ce si difficile à comprendre ? Probablement que oui, en réalité... surtout, c'était impossible à réaliser. La psychiatre ne pouvait évidemment pas ce genre de miracle. Personne au monde ne le pouvait. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnaient, ce n'est pas ainsi qu'elles fonctionneraient un jour, jamais.

-Et s'il n'y avait pas de bon moment ? demanda-t-elle avec hésitation quand la psy lui affirma que dès lors qu'elle se sentirait prête, tout irait pour le mieux. Et si je n'étais jamais prête ?

Bien sûr, le conseil de son interlocutrice était très sain, il était même le plus sain qui puisse être, vraiment, mais Will avait du mal à l'interpréter ainsi, à l'entendre de cette oreille, et pour cause, cela exigeait qu'elle doive attendre, qu'elle n'ait pas d'incidence sur les événements mais que des événements dépendent ses actions, et ça, c'était une perspective difficile à encaisser pour celle qui tenait toujours à tout prendre en mains, y compris ce sur quoi elle ne pouvait espérer disposer de la moindre prise, de quelque ordre que ce soit.

-Il aura été servi, il n'a plus à s'inquiéter de me voir grandir ou pas, maintenant, observa Will cyniquement quand Lisbeth constata, au sujet de son père, qu'il devait avoir eu du mal à se faire à l'idée que sa fille devienne grande. Probablement que oui, en effet, mais Will n'aimait pas du tout l'entendre de cette oreille, loin de là. Elle n'avait certainement pas envie d'observer les choses sous cet angle, mais de toute évidence, on ne lui laissait pas réellement le choix. J'en ai parlé avec Terrence, oui, c'est même une des premières choses dont je lui ai parlé. Elle marqua une pause. Je pense qu'il a le cul entre deux chaises, avec ça. Oui, l'expression était vulgaire, mais Will s'en moquait éperdument. Y a plein de choses qu'il doit remettre en question à cause de moi, mais il le faut. S'il le fait pas, ça a vraiment aucune chance de marcher entre nous... déjà que je suis pas convaincue qu'il y en ait beaucoup...

Disons le tout net, Will était clairement défaitiste, mais elle estimait avoir d'excellentes raisons de l'être. Elle avait honnêtement du mal à voir le verre à moitié plein dans de telles circonstances.

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