E

lle était malheureuse. Il n'y avait pas d'autre manière de l'exprimer, de le décrire. Si elle avait pu se protéger derrière l'un ou l'autre sourire de façade, derrière des illusions façonnées par des années d'une éducation certes privilégiée mais surtout très strictes, elle ne pouvait pas lutter contre les fait, l'évidence. Elle n'était pas heureuse. Elle avait su qu'elle ne le serait pas... Après tout, on ne se mariait pas pour être heureux, on le faisait pour sa famille, pour perpétuer les traditions, pour l'honneur des sangs purs... et voilà tout. Mais tout ça, c'était si... vain. Les jours passaient et elle devait bien se rendre compte que tout ce qu'elle avait cru vouloir, tout ce qu'elle pensait devoir posséder, n'était que fumée. Sans intérêt, sans importance. Elle était malheureuse. Les jours et les nuits se succédaient dans une routine oppressante. Gérer le foyer, s'ennuyer profondément, remplir son devoir conjugal... Rien de tout ça n'avait de sens, pour elle. Elle avait le sentiment d'être un automate, et elle se demandait quand on la libèrerait enfin d'obligations qui l'épuisaient sans lui laisser de répit. Sa famille était fière d'elle, elle était où elle devait être, elle n'avait pas failli, elle faisait honneur à la noble maison des Black... Mais elle se rendait compte aujourd'hui que tout ça, ça lui était égal, justement. Se déshumaniser pour se fondre dans le moule, c'est ce qu'elle avait toujours cru vouloir... mais dans l'application, elle ne tirait de son existence aucune satisfaction.

Et elle avait des regrets, beaucoup de regrets. Elle se souvenait de ses retrouvailles avec Septimus, peut de temps avant son mariage. Il avait voulu la convaincre de tout arrêter, de tout abandonner, pour être avec lui. Oh, comme elle avait eu envie de lui dire oui ! Mais elle avait été lâche, elle avait été faible, et elle en payait le prix fort. Car il ne se passait pas un jour sans qu'elle pense à lui, lui l'amoureux des Moldus qui devait filer le parfait amour, à présent, avec sa... Caelan. Peut-être qu'elle serait moins malheureuse, en fait, si elle n'était pas amoureuse. Car de là venait son dépit, son vague-à-l'âme, son goût de rien. Elle était amoureuse de Septimus Weasley. Et marié à un homme certes bien fait et intelligent, mais dont la carrière et la réputation passerait toujours avant le reste. Elle aussi avait cru que c'était là sa priorité. Elle avait menti, elle s'était menti. Chaque fois que Caspar rentrait du travail, elle peinait à lui réserver un accueil au semblant de chaleur. Il la dégoûtait. Parce que sa vie la dégoûtait.

-Bonsoir, répondit-elle par convenance. Comment était ta journée ?

Avec un peu de chance, elle aurait au moins été un peu intéressante. Elle se délecterait de n'importe quelle anecdote pour peu qu'elle égaye son morne quotidien.

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S

i Cedrella avait espéré que son époux lui rapporte au moins du travail quelques anecdotes croustillantes à se mette sous la dent afin de palier à la morosité de son quotidien. Mais en même temps, ce n'était pas réellement comme si c'était surprenant. La jeune femme connaissait l'homme qu'elle avait épousé. Ils étaient mari et femme depuis bien assez longtemps, tous les deux, pour qu'elle sache précisément à quoi s'attendre le concernant... et donc, elle ne s'attendait à rien. Elle savait qu'elle n'avait que de maigres raisons d'espérer que leur mariage puisse être égayé à un moment ou à un autre par quoi que ce soit d'un tant soit peu agréable... mais puisqu'elle n'avait plus que cette sorte d'espoir pour l'aider à tenir d'un jour sur l'autre... bref, toujours la même rengaine, au bout du compte, une mécanique parfaitement huilée que rien ne semblait susceptible d'ébranler. Il lui apprit que sa journée avait été comme toutes les autres, en bref, il avait été surchargé de travail et n'était entouré que d'incompétents. En son fort intérieur, Cedrella éprouvait toujours une certaine forme de compassion à l'adresse de ceux que son mari qualifiait d'incompétent, certaine qu'ils l'étaient tous plus ou moins à ses yeux du moment qu'ils n'abondaient pas dans son sens (ce qui ne relevait pas forcément d'une inaptitude au travail pour autant). Elle réprima du mieux qu'elle put un soupir qui menaçait pourtant grandement de s'échapper de ses lèvres tant cette situation l'ennuyait, et à la place, elle laissa son époux réclamer le repas qu'il devait estimer lui revenir de droit après une rude journée de labeur. Elle hocha la tête. Bien sûr qu'il était prêt, le repas... comme tous les soirs.

-Tu n'as plus qu'à prendre place à table, affirma-t-elle tout en parvenant à esquisser le sourire de la parfaite ménagère, de bon aloi en de telles circonstances. Elle l'avait rôdé, à force. Elle se dirigea vers la salle à manger, où la table était effectivement dressée, ils purent s'installer, et leur elfe de maison se chargea d'apporter les plats sur la table. Elle les servit sans mot dire, espérant que Caspar n'aurait rien à redire sur la qualité du plat. Normalement, tout était fait selon ses goûts, alors ça ne devrait pas lui déplaire. Mais on ne sait jamais. Même si elle faisait de son mieux pour, on n'était jamais à l'abri de commettre des erreurs, de ne pas faire les choses comme il faudrait. Bon appétit, lui souhaita-t-elle sans réel enthousiasme. Puis finalement, parce qu'elle comptait bien combler le silence quitte à profondément déplaire à son interlocuteur : Qu'ont-ils fait pour te déplaire, ces incompétents à ton travail, cette fois ?

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A

lors que Caspar se pliait donc à ses exigences et daignait répondre à sa question, lui faisant le bilan de sa journée de travail au ministère, Cedrella se demanda si elle n'aurait pas mieux fait de se taire et de se contenter de... rien, d'un silence de plomb comme celui qui environnait bien souvent leurs repas, où on entendait alors plus que le cliquetis des couverts. Elle ne savait pas ce qui valait le mieux, mais puisque c'était elle qui avait ouvert les hostilités, elle se permettait maintenant de l'écouter avec attention, tout ça pour entendre parler d'elle ne savait quelle histoire de dossiers perdus. Bon, d'accord, elle pouvait sans mal accepter de reconnaître que ce genre de situation devait être agaçante, mais Cedrella ne trouvait pas cela outre mesure... intéressant, dis donc, et son attention aurait facilement pu se relâcher s'il n'avait pas prononcé les mots qui, forcément, avaient titillé son intérêt. En effet, il évoqua le Comité d'invention d'excuses à l'égard des Moldus. Ce pouvait avoir l'air de rien, mais son coeur manqua un battement... parce qu'elle ne put s'empêcher d'entrevoir... une occasion... infime certes, mais réelle.

-Comment cela, vous devez faire leur travail à leur place ? demanda-t-elle curieusement en déposant avec précaution son verre devant elle. Quel rapport avec ton département ?

Bon, elle savait que tous les départements du ministère étaient reliés, d'une manière ou d'une autre, et il n'était pas rare qu'ils interagissent. Elle avait beau être maintenue à l'écart de toutes ces affaires, elle en avait bel et bien conscience. En soi, il se serait agi de n'importe quel autre département du ministère de la Magie, elle n'en aurait absolument rien eu affaire, mais là, elle ne pouvait tout simplement pas être insensible. Pour la simple et bonne raison qu'au sein du comité d'invention d'excuses à l'usage des Moldus, eh bien... il y avait Septimus. Et même si elle ne souhaitait pas forcément que Caspar se soit confronté au rouquin, parce que ce dernier n'en aurait sans doute pas mené large, elle avait envie de croire que de cette manière, doucement, subtilement, elle parviendrait peut-être à glaner des nouvelles de l'homme auquel elle avait définitivement renoncé en épousant Caspar... mais qu'elle n'avait jamais été capable d'oublier pour autant.

Elle savait qu'elle ne se faisait aucun bien en se comportant de la sorte, et elle devrait faire la sourde oreille plutôt que de chercher à en savoir plus, mais avoir ne serait-ce que l'ombre d'une information sur Septimus, un petit quelque chose qui lui laisserait entendre qu'il allait bien. Elle se contenterait de ça, juste de savoir qu'il allait bien. Parce qu'elle avait besoin de ça, c'était plus fort qu'elle. Et elle aurait toujours besoin de ça.

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C

edrella serra les dents et prit sur elle pour avoir l'air le plus impassible et distancié possible quand Septimus reprocha l'incompétence des employés des autres départements du ministère, en l'occurrence le comité d'invention d'excuses à l'usage des moldus. Septimus était-il l'incompétent que Caspar pointait du doigt sans le nommer ? Peut-être pas, il ne fallait pas grand-chose en soi pour que son époux considère quelqu'un comme un incapable. En fait, il suffirait seulement que cette personne respire, un point c'est tout. N'empêche, elle devait se faire violence pour ne pas exiger de noms et de prénoms, pour ne pas prendre d'office la défense de ceux que Caspar fustigeait, quand bien même elle devrait les considérer d'office et sur le principe que son mari avait raison, et se ranger sans broncher, sans sourciller, à son opinion. Elle était certaine dans tous les cas que l'homme en rajoutait forcément, il mettrait n'importe qui en porte-à-faux pour redorer son blason, pour se poser en héros des temps modernes... sous le charme duquel Cedrella avai bien été incapable de tomber. Oh, elle réussissait à le supporter, tout de même. Et parfois, même, elle pouvait admettre que leurs échanges pouvaient même être assez... intéressants. Mais ce n'était pas suffisant quoi qu'il en soit.

-En même temps, se plut à répondre Cedrella, pour que n'importe lequel de tes collègues trouve grâce à tes yeux, il faudrait qu'il soit ton clone.

Ce n'était pas parce qu'ils étaient mariés qu'elle devait se contenter d'acquiescer à tout ce que son interlocuteur disait sans broncher. Certes, elle évitait de faire des vagues et faisait en sorte de tenir le rôle qui lui incombait, mais elle n'avait pas non plus envie de fermer docilement la bouche sans jamais oser commenter les propos de son interlocuteur. D'autant plus qu'elle ne pensait pas qu'il lui reprocherait forcément de dire ce qui était l'exacte vérité. Caspar Croupton était un homme imbu de sa personne. Il avait de lui une estime telle que le seul fait de lui arriver à la cheville tenait forcément de l'exploit. Cedrella n'était vraiment pas certaine que qui que ce soit puisse vraiment affirmer être considéré par Caspar comme son égal. Elle lui connaissait bien quelques amis, mais elle soupçonnait ces derniers de ne souvent lui servir qu'à se mettre un peu plus en valeur. La seule qu'elle estimait apte à soutenir la comparaison, c'était Callidora, qui était un peu la copie conforme de Caspar au féminin... Mais ça, c'était une autre histoire. Pourtant, il y avait bien des hommes qui, aux yeux de Cedrella, valaient bien plus que son époux, et Septimus, l'homme que Caspar était peut-être en train de conspuer, arrivait bien évidemment en tête de liste, et sans hésitation.

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C

edrella savait qu'elle ne pouvait provoquer son époux que dans une moyenne mesure, qu'elle ne pouvait pas se permettre d'aller trop loin non plus. A force de vivre avec lui, elle avait appris à déterminer ses limites, à savoir jusqu'où elle pouvait aller et quelles frontières il était préférable, en revanche, de ne pas franchir. Cela ne voulait pas dire qu'elle avait juste à tous les coups, bien sûr, mais de manière générale, elle savait de quelle façon le remettre un peu à sa place tout en évitant la crise conjugale. Elle avait fait son choix, elle avait choisi de l'épouser, alors pour la peine, elle se devait bien d'être l'épouse modèle qu'elle avait juré d'être, mais en même temps, il fallait bien qu'elle évacue sa frustration, d'une façon ou d'une autre. Une frustration étouffante, qui devenait de plus en plus insupportable au fil du temps. Chaque jour qui passait, elle se réveillait dans un lit qu'elle aurait voulu ne pas être le sien, et elle savait que les enfants qu'elle porterait n'auraient pas ce petit quelque chose de l'homme qu'elle aimait réellement.

Pouvoir faire comprendre à Caspar combien elle le trouvait arrogant et imbu de sa personne, c'était une minuscule victoire en soi... Même si au fond, elle ne disait rien à Caspar qu'il ne sache déjà... et qu'il n'assume, d'une certaine manière, également. Alors au final, il ne fit jamais qu'abonder dans son sens, affirmant que les individus à son image et donc dignes de lui étaient définitivement trop peu nombreux. La jeune femme le croyait sans mal, effectivement.

-Merci Merlin, un seul suffit amplement, répondit Cedrella avec un léger sourire.

Elle le savait, elle allait peut-être un peu trop loin, pour le coup, et devrait peut-être s'épargner de tels commentaires, mais à dire vrai, c'était plus fort qu'elle. La jeune femme estimait une fois encore qu'il pouvait bien le prendre de toutes les manières qu'il voudrait, en réalité, elle se rattraperait s'il le fallait. Elle le pensait effectivement, cela dit. Caspar Croupton avait une sacrée personnalité, et dans cette personnalité, tout n'était pas à jeter, il y avait même quelques qualités que Cedrella appréciait assez, pour tout dire, chez son époux...

Mais tout de même, une forte personnalité comme la sienne, ce monde s'épargnait sans doute d'en porter trop en son sein sous crainte d'assister à un véritable conflits d'égo qui pourrait prendre des ampleurs magistrales. Oui, un seul Caspar Croupton suffisait largement, et s'il le voulait, il n'avait qu'à entendre par là le fait qu'il était unique en son genre et qu'il fallait qu'il n'y en ait qu'un comme lui. Enfin, peu importe au bout du compte. Il réagirait comme il réagirait. Et voilà tout.

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edrella ne put s'empêcher d'éprouver une certaine satisfaction à l'idée que sa petite pique ait pu réellement vexer son interlocuteur... mais ce sentiment devait être de courte durée, si elle aimait l'idée d'avoir pu lui être, même quelques instants, désagréables, elle savait qu'il pourrait bien le lui faire payer au centuple s'il le décidait. Elle avait très envie, vraiment très envie d'en rajouter une couche, mais elle devait tout de même le reconnaître : elle était trop lâche pour en accepter les conséquences. Si elle était moins lâche que cela, elle ne se laisserait pas faire, elle vivrait selon ce qu'elle désirait vraiment : pour commencer, elle n'aurait pas épousé cet homme et aurait accepté de fuir avec Septimius quand elle en avait l'occasion. Mais voilà, elle ne l'avait pas fait, et elle ne pouvait définitivement s'en prendre qu'à elle-même pour cela. Elle était la seule et unique responsable de son malheur, et pour la peine, elle devait accepter son sort. Elle le savait bien, elle allait devoir apaiser la situation. Elle n'en éprouvait aucun plaisir, bien au contraire, mais elle n'avait pas réellement le choix. Il était même évident qu'elle n'en avait aucun. Elle pourrait songer à ce moment plus tard, le moment où elle avait réussi à vexer son interlocuteur, mais ça s'arrêterait là, il n'y avait rien d'autre à faire ou à chercher.

-Mais alors, tu ne serais plus à ce point unique, répondit-elle quand il affirma que le monde se porterait bien mieux si plus de gens étaient comme lui.

Cedrella essaya de se figurer un instant à quoi ressemblerait bel et bien une société dont la composante serait presque intégralement constituée de Caspar Croupton... il n'y avait pas à réfléchir longtemps pour être effrayé par la perspective en question. Déjà, deux Caspar ne se supporteraient sans doute pas parce qu'ils chercheraient constamment à avoir l'ascendant l'un sur l'autre, à n'en point douter, alors davantage, ce serait une guerre de tous les instants, c'est certain. Sans oublier bien sûr que les préceptes qui domineraient alors auraient tout de malsain et de liberticides. Non, Cedrella ne pouvait souhaiter cela à personne et encore moins à Caspar lui-même, qui en vérité, elle en était sûr, n'aimerait pas l'idée d'avoir de véritable alter ego. D'autant que cet homme supportait à peine qu'on daigne lui arriver à la cheville tant il s'estimait exceptionnel.

-Supporterais-tu réellement que qui que ce soit t'arrives à la cheville ? suggéra-t-elle dans le but simplement d'apaiser les choses sans pour autant verser dans la soumission et la passivité les plus totales.

Si elle pouvait s'éviter cela, honnêtement, elle préférait... Pas dit qu'elle y parvienne longtemps, ceci dit, et elle serait rapidement renvoyée à son statut de femme soumise. Mais elle faisait de son mieux.

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e n'était là qu'une maigre victoire, c'est l'évidence, mais Cedrella se contentait du peu qu'elle pouvait avoir : en l'occurrence, elle appréciait à leur juste valeur les rares occasions au cours desquelles son époux reconnaissait qu'elle avait raison. Autant le dire, cela arrivait relativement rarement, surtout si le fait de lui donner raison pouvait éventuellement donner tort à Caspar. Est-ce que ça lui apportait grand chose au bout du compte ? Non, mais ça avait le mérite de rendre cette conversation ne serait-ce qu'un tout petit peu plus supportable.

Alors, certes, elle était loin d'être une partie de plaisir pour autant aux yeux de la jeune femme. Qui supportait la situation plus qu'elle ne savait l'apprécier. Alors oui, elle se contentait de cela, et choisissait volontairement de ne pas rebondir sur ses propos, parfaitement consciente du fait qu'elle ne devait pas trop tirer sur la corde tout de même, on ne sait jamais. Il lui était déjà arrivé de s'attirer les foudres de son mari, alors elle savait très bien ce que cela pouvait donner. Elle aimait s'imposer quand elle le pouvait... mais elle savait s'abstenir quand elle allait trop loin. Elle devait être une épouse digne de ce nom, et elle préférait s'épargner tout drame conjugal, même si au fond d'elle subsisterait toujours une profonde amertume et des regrets certains.

Ceci dit, elle ne put que vouloir reprendre la parole quand il ajouta quelques mots auxquels elle ne s'était absolument pas attendue. Il venait tout de même d'admettre que certains sorciers étaient effectivement capables de lui arriver à la cheville. Impossible, en entendant ces mots, de ne pas se laisser piquer de curiosité et de ne pas vouloir en attendre davantage.

-Je serais curieuse de savoir qui.

Ces mots pouvaient laisser croire qu'elle partait à la chasse aux compliments, mais non, ce n'était pas du tout le cas, en réalité. Elle ne pensait pas appartenir à la catégorie des personnes que Caspar respectait suffisamment pour mériter ce titre... même s'il avait bien fallu qu'il l'estime digne d'être sa femme pour lui avoir passé la bague au doigt... et elle ne cherchait pas forcément à y appartenir non plus... Non, elle était juste sincèrement curieuse. Bon, elle se doutait qu'il pouvait simplement faire référence aux grands sorciers de leurs temps. Caspar n'aurait plus la moindre chaussure à sa taille s'il osait affirmer valoir davantage qu'un homme qui avait acquis sa réputation de haute lutte et était un sorcier reconnu puissant dans le monde entier. Comme Albus Dumbledore, par exemple.

Ceci dit, Cedrella se demandait surtout si son époux oserait citer des personnes de leur entourage proche, et si tel était le cas, allez savoir qui. Elle avait bien quelques idées à l'esprit, mais elle n'était pas certaine que même ces personnes suffisent à son ego surdimensionné.

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N

on, ça n'avait pas d'importance. Rien de ce que Caspar lui disait n'avait d'importance aux yeux de Cedrella. Il ne l'intéressait pas, et s'il devait susciter chez elle un semblant d'émotion, c'était bien davantage du dégoût que quoi que ce soit d'autre. Alors non, en effet, elle se fichait bien des personnes qu'il estimait arriver à sa cheville de grand prétentieux.

Aux yeux de Cedrella, beaucoup d'hommes et de femmes valaient bien mieux que lui, les critères qui devaient avoir de l'importance à ses yeux n'en avaient aucun aux siens. Elle faisait seulement de son mieux pour supporter la situation, pour que cette conversation passe. Elle parlait parce qu'elle préférait ce genre de discussions vides de sens à un silence pesant, mais il n'était question que de cela. Important ou pas, s'il lui refusait cette discussion-là, elle ne saurait absolument pas sur quoi rebondir au final.

Même si Cedrella n'éprouvait pour son époux ni respect, ni amour, elle se sentit piquée à vif quand son interlocuteur affirma que ça ne la concernait pas. Elle avait envie de croire qu'en sa qualité d'épouse, tout ce qui concernait Caspar la concernait de près ou de loin... qu'il ne lui accorde même pas ce privilège élémentaire en disait long sur la manière dont il la traitait en règle générale. Elle pourrait bien protester, mais elle savait pertinemment qu'elle n'obtiendrait pas gain de cause.

Il y avait longtemps que Cedrella avait renoncé à débattre de quoi que ce soit avec l'homme qu'elle avait épousé. Elle avait bien compris que le débat serait stérile, que même si elle devait avoir raison, il ne se donnerait jamais tort. C'était ainsi. Elle ne devrait faire aucun commentaire et laisser couler, l'air de rien, mais elle ne put s'empêcher tout de même de pousser un profond soupir. Elle ne pouvait pas non plus défier complètement le naturel, et il lui courait royalement sur le haricot.

-Si je devais isoler des personnes que tu pourrais être capables d'estimer à ta hauteur, je suppose que je penserais à notre ministre, dit-elle comme si son mari n'avait pas cherché à clore cette discussion un peu plus tôt.

Une fois encore, elle s'en fichait. Elle continuait sur cette lignée uniquement parce que son mari ne voulait pas qu'elle le fasse. On se rebelle comme on peut.

-Je voudrais bien citer un nom parmi tes rares amis mais je sais bien que tu les méprises tous, ajouta-t-elle avec le plus grand naturel. Elle marqua une légère pause. Après, il y a Callidora, bien sûr.

Callidora, son équivalent au féminin... Et encore, elle se disait qu'elle s'avançait sans doute un peu trop pour ce sujet... Dans tous les cas, la réponse de Caspar n'avait qu'une moindre importance.

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C

edrella n'avait peut-être pas l'arrogance de Caspar (cette dernière était relativement difficile à égaler, en même temps, il faut bien le dire), mais elle était néanmoins quelqu'un de fier, de très fier, même, et qui ne supportait pas que l'on remette en question qui elle était et ce qu'elle faisait. En présence de Caspar, la jeune femme savait prendre sur elle, notamment parce qu'elle savait que c'était nécessaire si elle voulait que ce mariage soit un peu moins insupportable qu'il ne l'était déjà (ce qui n'était pas peu dire)... Mais il y avait des moments, comme maintenant, ou les réflexions de son époux ne passaient tout simplement pas. Des mots qu'elle n'était tout bonnement pas capable de tolérer et qui la faisaient tout simplement sortir de ses gonds...

Elle sentit ses poings se serrer sous la table quand Caspar déclara que Callidora était définitivement au-dessus de ses deux autres soeurs. Le pire, c'est que ce n'était pas tant pour elle-même qu'elle trouvait cette comparaison blessante, mais elle n'aimait pas non plus la manière qu'il avait de parler de Charis. Toutes les trois avaient décidé de respecter la tradition familiale, de rendre leurs parents fiers, elles étaient des femmes dignes, qui portaient les couleurs des Black avec fierté et ambition... et elles étaient reléguées à un rang inférieur sous prétexte, sans doute, qu'elles étaient capables de sentiments, contrairement à Callidora, qui était froide comme un iceberg. L'air de rien, c'était quand même singulièrement vexant. Et entendre Caspar ajouter qu'elle ferait bien de prendre un peu exemple sur l'aînée de ses deuxc soeurs, ça c'était clairement la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.

-Quel dommage pour toi, je ne serais jamais la copie conforme de ma soeur, encore moins pour te faire plaisir, répliqua Cedrella.

Elle se rebellait sans doute bien trop en une soirée, et il était sans doute temps qu'elle calme le jeu, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Mais il était difficile pour elle de se taire et de simplement hocher la tête. Depuis les débuts de ce repas, il traitait tous les sujets qu'il ne fallait pas. Traîner le nom de Septimus dans la boue, puis dire, grosso modo, qu'elle ne valait rien en comparaison de sa grande soeur, c'était, comment dire... particulièrement dégradant. Elle faisait bien plus d'efforts que Callidora pour être l'épouse que Caspar pouvait être fier d'avoir à son bras, mais ces efforts, au lieu d'être salués, se voyaient conspués parce que, justement, elle avait besoin de le faire.

-Harfang est passé avant toi, tu aurais pu être plus rapide. Tu ne dois t'en prendre qu'à toi-même.

Elle allait trop loin, elle le savait. Mais c'était trop tard. Elle avait prononcé les mots qu'elle avait prononcés.

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D

e toute évidence, les propos de Cedrella avaient un rien heurté son époux dans sa fierté... elle en éprouvait une certaine satisfaction, elle devait bien le dire. Certes, elle savait bien qu'il lui fallait retrouver son rôle et calmer le jeu, mais dans le même temps, elle pensait que c'était un juste retour de bâtons, après tout, Caspar n'était pas le dernier à la considérer comme une entité négligeable, alors qu'elle avait tout de même renoncé à son nom pour porter le sien, alors qu'elle avait sacrifié une vie qui aurait pu être bien différente, et sans doute bien plus agréable, afin de l'épouser. Oui, elle se calmerait à un moment ou à un autre, parce que dans tous les cas, elle ne saurait jamais être gagnante de ce combat-là, qu'elle avait déjà perdu il y a bien longtemps.

Mais elle voudrait que son époux lui reconnaisse, même un peu, même brièvement, qu'elle méritait plus de respect qu'il ne lui en accordait. Elle était, avec ses deux soeurs certes, le meilleur parti que le jeune homme aurait pu espérer. Elle garantissait, par sa présence à son bras, son intégration à des castes qu'il effleurait sans encore les atteindre. Oui, les Croupton étaient respectés, mais les Croupton n'étaient pas les Black. Et Cedrella estimait que Caspar n'était pas en soi indispensable à sa vie. Tandis que leur mariage avait certainement été indispensable à Caspar, ne serait-ce qu'en partie.

-Crois-tu vraiment que tu es le seul prétendant qui ait pu espérer ma main à l'époque ? Un autre parti se serait présenté à moi si tu n'avais pas été là, tout aussi respectable que toi, si ce n'est plus, ou du moins plus aimable.

Elle ne comptait pas se mettre à ses pieds et le remercier d'exister. Sa vie n'avait pas changé du tout au tout en épousant Caspar. Elle avait changé de foyer, mais pas de style de vie, elle avait sa propre fortune, en héritage de ses respectables ancêtres, elle avait permis à Caspar d'obtenir une remarquable dot. D'autres hommes se seraient présentés, comme il y avait bien eu un homme pour Charis après qu'il y en ait eu un pour Cedrella, et comme il y en avait eu un pour Callidora avant elles.

Elle admettait qu'il lui offrait un confort de vie agréable, mais plus le temps passait, plus elle constatait que ce qu'elle n'avait pas été capable d'abandonner ne valait pas grand-chose en comparaison de ce à quoi elle avait renoncé. Oui, elle aimait sa famille, elle était fière de son sang, de sa fortune, de son confort... Mais tout cela, à la seule évocation, à la simple pensée de Septimus, paraissait tout à coup bien morne, et d'un intérêt très limité. Comme elle voudrait que ce soit Septimus qui se trouve à cette même table...

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I

l n'était pas rare que la jeune femme se demande ce qu'aurait été sa vie si elle avait été mariée à quelqu'un d'autre. Il pouvait s'agir de n'importe qui, y compris d'un autre sang pur, qui serait tout simplement plus agréable et plus prévenant. Il pouvait aussi s'agir d'une personne aux traits plus personnels, plus distincts... plus aimés. En fait, il n'était pas rare qu'elle s'imagine ce que serait sa vie si elle avait été mariée à Septimus... Elle n'aurait pas vécu dans le luxe et dans l'opulence, c'est certain, mais elle aurait vécu avec le sentiment d'être aimée et respectée, un sentiment qui lui manquait terriblement à l'heure actuelle. Elle se raccrochait à cette vie parallèle, factice, dans les moments les plus difficiles, pour ne pas perdre les pédales, ou pour ne pas, plus simplement et plus tristement, sombrer dans la dépression, ce qui serait définitivement bien pire.

Mais oui, peu importe ce qu'elle pouvait affirmer ou fantasmer, elle était là, ici et maintenant, perdue dans une vie qui ne lui plaisait définitivement pas, mariée à un homme qu'elle méprisait, et qui en retour la méprisait tout autant. Il n'avait pas signé pour être aimable, ça c'était certain... Alors que Cedrella, sur le principe, parce qu'elle était une femme, devrait avoir signé pour ça. Oui, sauf que trop c'était trop, et elle en avait vraiment marre de se taire, elle en avait vraiment assez de tout garder pour elle. Et puisque la conversation avait pris cette direction, elle avait du mal à se calmer et à redescendre. Il le faudrait bien, car quoi qu'ils puissent se dire, ils resteraient mariés dans tous les cas. Ils resteraient mariés et elle devrait le supporter pour le restant de ses jours, quoi qu'il puisse advenir. Elle finirait sans doute par porter son enfant, elle devrait accepter de s'adapter à ses exigences, que cela lui plaise ou pas.

-Qu'est-ce qui se passera si je ne fais pas en sorte de mériter cette vie, hein ? Je te signale que ma famille est plus riche et influente que la tienne. J'étais le meilleur parti que ta famille pouvait s'offrir. Elle croisa les bras. Moi non plus, je n'ai pas signé pour t'être aimable, j'ai signé pour te laisser la mainmise sur ma fortune. Alors tu devrais, toi aussi, faire davantage d'efforts.

Tant pis si elle allait définitivement trop loin. Elle ne réussissait pas à pondérer ses propos, ce n'était plus possible. Elle en avait trop bavé, elle était incapable de contrôler son ressentiment, qui de toute manière ne devait pas échapper à son interlocuteur. Alors, maintenant, elle ne demandait qu'à l'exprimer, et ce quoi qu'il puisse advenir. Quitte à en essuyer les conséquences.

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C

edrella afficha un sourire satisfait quand son interlocuteur observa que le fait de la supporter constituait déjà n effort bien suffisant en soi. Elle pourrait s'offusquer de ces propos, ce n'était pas le cas. Bien au contraire. Elle était ravie, en réalité, d'être difficile à supporter pour son mari. Il le lui rendait bien, alors c'était sa petite vengeance personnelle. Une revanche très relative, d'ailleurs, au demeurant, car Cedrella n'en retirait pas grand-chose sinon une vague satisfaction. Bien sûr, Cedrella pourrait faire remarquer à son cher et tendre époux qu'elle serait beaucoup plus simple à supporter si lui-même y mettait du sien, mais elle savait d'avance qu'il n'y avait aucun intérêt à agir dans ce sens. De toute évidence, ça ne les mènerait nulle part.

Elle serra les dents quand Caspar affirma que sa famille se rangerait tout de même plutôt de son côté à lui que du sien si on les consultait. Elle voudrait rétorquer que ce n'était pas le cas, mais elle savait que non, il n'en serait rien. Elle n'était pas naïve. Elle savait que même si sa famille était techniquement la plus influente, Caspar portait bien mieux - et avait toujours bien mieux porté les valeurs familiales qu'elle-même. Bon, elle ne se défendait pas si mal non plus, mais il y avait tout de même quelques ombres au tableau qui devaient forcément rendre son argumentaire bien moins crédible. Autant ne rien répliquer. Elle aurait bien des difficultés, malheureusement, à argumenter contre son interlocuteur, et elle ne le savait que trop bien.

Pour le reste... Caspar avait décidé de passer des remarques cinglantes aux menaces pures et dures. Est-ce que Cedrella pouvait renoncer à sa vie avec Caspar ? Non, bien sûr que non. Si elle l'avait pu, si elle s'en était sentie capable, elle l'aurait fait au moment où Septimus le lui avait demandé, mais elle avait préféré cette voie-ci. Qui ne la préservait de rien, et certainement pas de la violence d'un époux qui certes n'avait jamais levé la main sur elle mais semblait capable du pire en cet instant. Il y avait en cet instant dans son regard une lueur qu'elle n'aimait pas du tout y voir et qui, il est vrai, l'alarmait, même si elle tentait de garder contenance. C'était le seul pouvoir qu'elle pouvait avoir sur lui, et elle le savourait pleinement... même s'il avait ses limites, des limites qui pourraient bien vite devenir dangereuses pour eux deux.

-Ne me sous-estimes pas, Caspar. Je sais de quoi tu es capable, je ne suis pas certaine que l'inverse soit vrai. Elle soutint son regard. Elle jouait avec le feu, elle s'en rendait bien compte, et elle avait de très bonnes chances de s'y brûler. Mais c'était un risque qu'elle décidait de prendre malgré tout. Vas-y, mets tes menaces à exécution, juste pour voir.

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