Une journée de travail longue et ennuyeuse, comme toutes celles que Terrence vivait au quotidien. C’était comme ça, il n’y pouvait rien… il n’arrivait pas à apprécier réellement son stage au ministère de la magie. Il ne faisait peut-être pas assez d’effort non plus ceci-dit, parce qu’on ne pouvait pas dire qu’on lui avait laissé le choix après tout. Et en même temps, il était quand même bien content de ne pas avoir eu besoin de lever son petit doigt pour trouver une place au ministère. Ça avait des avantages d’appartenir à une famille riche et reconnue dans le monde sorcier (même si le jeune homme allait clairement les décevoir dans le futur). Mais bon, on ne pouvait définitivement pas dire qu’il sautait de joie à l’idée de passer ces journées au ministère de la magie. Et forcément, il n’avait qu’une seule envie, foncer une fois sa journée terminée pour profiter de la vie. Parce que là, il n’en profitait pas, on était parfaitement d’accord. En quoi il profiterait de son existence, en se retrouvant coincé au ministère de la magie constamment et pendant toute la journée. Bon, il pouvait faire des rencontres là-bas aussi, mais ça n’avait rien à voir avec les rencontres qu’il faisait une fois qu’il était sorti.

Sorti comme maintenant donc, puisque après sa journée de travail, Terrence avait foncé chez lui histoire d’aller voir sa mère, mais surtout dans le but de se changer avant de s’en aller de nouveau. Pour sortir, il était quand même clair que le jeune homme ne pouvait pas rester fagoté de ses habits de la journée, il avait quand même bien plus de classe que ça. Donc oui, il prenait la peine de se changer, de se mettre sur son trente-et-un et de sortir. Et ce soir-là, le jeune homme se rendait au Chaudron Baveur. Ce n’était sans doute pas l’endroit le plus classe pour les rencontres, mais ça ne l’empêchait pas à chaque fois (ou presque, il ne fallait pas exagérer non plus), de trouver chaussure à son pied et de rencontrer une donzelle qui avait le don de lui faire tourner la tête. Ce qu’il espérait bien rencontrer ce soir également, parce qu’il n’avait aucune envie de passer sa soirée seul. Quand il entra dans le pub, il se rendit directement au comptoir afin de commander un verre et alors que le barman s’en occupait, il tourna la tête, son regard se posant sur un visage connu. Tient donc, Harfang Londubat était ici aussi ? Les deux hommes n’avaient pas grand-chose en commun (à commencer par leur âge), mais ça ne les empêchait pas de se connaître. En grande partie parce qu’il y avait une ravissante jeune femme qu’ils appréciaient tous les deux, le plus jeune aillant cependant déjà pu profiter de ses grandes prouesses. Il n’hésita pas vraiment, en s’approchant de lui, son verre à la main.

« Eh bien, Monsieur Londubat. » Dit-il dans un fin sourire, appuyant un peu sur le monsieur, pour souligner le fait que son interlocuteur était son aîné. « C’est de votre âge de vous promener si tard dans un endroit comme celui-ci ? »

Quand Terrence attaque frontalement Harfang sur son grand âge (non parce que même s’il n’était pas un vieux croulant non plus, il avait largement passé l’âge de la jeunesse adulte, celle dans lequel se trouvait le jeune sorcier d’ailleurs et qui était parfaite… libre comme l’air, pas encore marié, pouvant profiter de la vie pleinement), il se doutait bien que ce dernier n’allait pas manquer de répliquer de son côté. Et il avait raison de le faire en un sens, le sorcier ne pouvait pas le lui reprocher. Parce qu’à sa place, il aurait fait exactement la même chose. Londubat parla donc de ses parents, lui demandant s’ils lui avaient laissé la permission de minuit. Bon, c’était sûr que Terrence vivait encore chez ses parents. Il n’était pas indépendant, mais ça n’enlevait pas le fait qu’il était libre justement. Parce que si Terrence vivait chez ses parents, c’était juste parce qu’il ne vivait pas chez sa femme. Et à choisi, le jeune homme préférait largement ne pas avoir encore la corde autour du cou. Il avait l’intention d’en profiter un maximum d’ailleurs, quand bien même il ne se doutait pas une seule seconde de comment les choses allaient se passer pour lui bientôt.

« Ouais, j’ai de la chance. Et toi ? Ta femme elle t’a laissé jusqu’à quelle heure ? »

Demanda-t-il dans un sourire, parce qu’il ne manquait pas d’être un peu fier de sa petite phrase. Pour la simple et bonne raison, que si Harfang décidait de le taquiner sur ses parents – mais en même temps, c’était lui qui avait commencé par l’attaquer sur son âge –, il n’allait pas se retenir de se servir du mariage de son interlocuteur. Même si c’était évident que le couple Londubat ne devait pas s’aimer et au vu de la manière dont Harfang allait voir ailleurs, c’était encore plus évident. Mine de rien (même s’il était évident qu’il n’allait jamais l’avouer et surtout pas à l’homme qui se trouvait là), il ne pouvait pas nier qu’il espérait quand même pouvoir profiter de la vie de la même manière que Harfang quand il aurait le même âge que lui et qu’il sera marié. Parce qu’il était évident que le jeune homme allait être marié à un moment donné, c’était normal. Et donc, quand il allait avoir la corde au cou, il était évident qu’il n’avait aucune envie de changer sa façon de vivre. Mais il n’avait aucune idée de comment les choses allaient se passer pour lui dans le futur.

« Mais je crois que je risque de dépasser le couvre-feu de mes parents. » Dit-il, en forçant un peu le trait de la déception. Il le ferait oui, mais plus précisément ses parents ne cherchaient même pas à savoir à quel moment il allait rentrer. Évidemment, Terrence ne disait pas ça juste comme ça. « Parce tu sais, je pense que je vais passer la soirée avec Agrippine. » Ce n’était pas prévu non, ça pouvait arriver s’ils se croisaient. Mais il ne parlait pas d’elle pour rien. « Et tu te doutes bien qu’avec elle… on ne voit pas le temps passer. »

Ce n’était évidemment pas pour rien que Terrence mentionnait Agrippine Tuft, la belle Agrippine Tuft. Ce n’était en aucun cas prévu qu’il passe la soirée en sa compagnie, même si ça pouvait très bien être le cas. Pour ça, il suffirait que le jeune homme croise la route de la jeune femme (la belle jeune femme), pour qu’ils puissent éventuellement décider de passer du temps ensemble. Mais pour l’heure, ce n’était pas prévu, ce que Harfang n’était pas obligé de découvrir, bien au contraire. Tant que l’homme pouvait croire qu’il allait passer du temps avec Agrippine, c’était une bonne chose. Terrence savait que l’homme sous ses yeux convoitait de pouvoir passer un peu de temps avec la jeune femme, mais qu’il n’en avait pas encore eu la possibilité (et en fait, ça lui disait bien que la jeune femme continue de se refuser à l’homme… histoire qu’il ait un point d’avance sur lui, et il n’en avait pas beaucoup quand même. En dehors du fait qu’il pouvait se vanter de son âge (mais en même temps, Harfang ne manquait pas de lui retourner cet argument contre lui puisqu’il vivait encore chez ses parents), il n’avait pas grand-chose de son côté. Donc, Terrence n’avait pas l’intention de se retenir de se servir de ce dont il pouvait se servir, de ce qui lui donnait un avantage.

Pour autant, même si Terrence avait envie de croire qu’il pouvait quand même toucher une corde sensible de Harfang (même si en réalité, il était loin de penser que l’homme puisse être réellement obsédé par la jeune femme en question, il se contentait sans aucun doute d’être simplement frustré de ne pas pouvoir l’obtenir… mais il se trompait sans se rendre compte), l’homme n’en montra rien du tout. Londubat resta juste parfaitement digne de ce qu’il était, ne manquant pas d’affirmer que toutes les femmes présentes étaient libres par conséquence, puisque Terrence n’allait techniquement pas chercher à vouloir passer du temps avec l’une d’entre elle. Et s’il avait effectivement rendez-vous avec Agrippine, il y avait peu de chance qu’il ne le fasse en effet.

« Sans doute. » Dit-il simplement, en marquant volontairement une pause avant de reprendre. « Ou peut-être que je pourrais quand même papillonner un peu. » Nouvelle pause. « Tu sais, à force de toujours obtenir quelque chose, on fini par se lasser un peu. » Terrence afficha un sourire en coin. « Tu en sais quelque chose n’est-ce pas ? »

Il avait envie, il espérait tant, pouvoir simplement emmerder un peu l’homme sous ses yeux. Il était évident qu’il mentait comme un arracheur de dent, il ne pouvait pas une seule seconde imaginer se lasser des soirées qu’il pouvait passer en compagnie de Agrippine. Il ne l’aimait pas, parce qu’il n’aimait personne (pour le moment), mais il pouvait reconnaître que s’il devait se contenter d’une seule femme dans sa vie, Agrippine serait un choix de qualité.

Terrence n’avait pas l’intention de lâcher l’affaire, il était évident que cette conversation ne devait pas se terminer sur une faiblesse. C’était sans doute idiot, mais le jeune homme ne pouvait pas s’empêcher d’agir ainsi, comme un vulgaire combat de coq. Il avait conscience qu’il valait mieux que ça, mais il n’y pouvait rien. Au final, Terrence ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’il pouvait très bien devenir comme Harfang plus tard, que l’homme sous ses yeux n’était autre que son futur. Que quand il allait se retrouver la corde au cou par un mariage arrangé que ses parents allaient lui mettre sur le dos, il n’allait pas se retenir de continuer à draguer toutes les filles autour de lui. Donc oui, il n’appréciait pas réellement Harfang, il ne cherchait pas à le cacher, mais… il y avait quand même quelque chose qu’il reconnaissait chez lui et ça avait le don de l’agacer. Parce qu’il se disait qu’un jour, il allait être comme lui. Qu’il allait être lui-même. Un homme marié, prenant de l’âge, ne se retenant pas de draguer des femmes beaucoup plus jeunes que lui. En un sens, cette vie était plaisante quand même. Mais il n’avait aucune envie de le confirmer…

En tout cas, les deux hommes avaient clairement la même façon de réagir et cette même envie d’avoir toujours le dernier mot. Terrence serra des dents en entendant l’homme affirmer que les jeunes femmes qu’il fréquentait devaient sans doute se lasser de lui, à force. Mine de rien, il ne pouvait pas nier qu’il marquait un point quand même. Terrence aurait bien répondu quelque chose, mais Harfang ne manqua pas d’entamer la fin de leur conversation. Le jeune homme n’avait aucune envie de passer la soirée en compagnie de son interlocuteur de son côté, non plus, mais en même temps, il ne pouvait pas nier le fait qu’il n’appréciait pas du tout que ça soit Harfang qui soit à l’origine de cette fin de conversation.

« Je ne mange pas de ce pain-là en effet. » Répondit-il simplement, parce que clairement il n’avait rien à dire de plus. Ça l’ennuyait clairement de se faire souffler, mais il devait reconnaître que c’était bel et bien son interlocuteur qui marquait le dernier point. « Passe une bonne soirée alors. » Se contenta-t-il d’ajouter avant de s’éloigner.

Il y avait de forte chance qu’ils se recroisent de nouveau et clairement, Terrence n’aurait pas l’intention de se retenir de taquiner encore une fois son interlocuteur. Il n’avait aucune raison de se retenir en même temps, bien au contraire.