Harry s’étouffait de rage. Enfin ! Quelle délicieuse sensation, quel bonheur absolu de pouvoir s’étouffer de rage contre quelqu’un d’autre que soi-même. Et il était à peu près certain que Ginny éprouvait le même sentiment à ce moment précis. Compagnons de rage, en quelque sorte. C’était mieux que rien...
En tous cas, la machine était bel et bien lancée. Et lorsque la machine s’appelait Ginny Weasley, elle était difficile à arrêter… Autant essayer de combattre un lion avec un poignard en carton. Par chance, Harry se défendait plutôt bien : ses longues années d’entraînement en matière de joutes verbales (tout le monde se rappelle ses phrases assassines envers Malefoy, faisant mouche à tout les coups, un véritable artiste de la réplique) lui seraient donc très utiles au cours de cette discussion. Oui, discussion, car en dépit de sa colère et de l’agressivité de son interlocutrice, il était absolument hors de question d’en venir aux mains. Le jeune homme n’était pas un violent de nature, c’était clair, mais il n’aurait de toute façon jamais conçu de lever la main sur Ginny, ou de lui lancer quelque sort que ce soit. Cela dit, il n’aurait pas parié toute sa fortune sur le pacifisme de la sœur de Ron… Il n’avait aucune idée de la manière dont il réagirait si elle lui jetait un sort, et il espérait qu’ils n’arriveraient jamais à ce point de non-retour.
En attendant, elle attaquait fort, miss Weasley. Bon, en même temps, c’était lui qui avait lancé les hostilités, et de manière plutôt violente… Mais lui n’avait pas critiqué ouvertement le comportement de Ginny, alors qu’elle ne se gênait pas pour le faire.

- "Oh c'est vrai ? Tu t'intéresses vraiment à ce qu'on va devenir ? C'est un jour à marquer d'une croix blanche, je sais pas si je vais m'en remettre."

Harry eut l’impression de se prendre une bonne gifle en pleine tête. Difficile de se défendre face à une accusation comme celle-ci. Car s’il n’était pas du genre égoïste –pas du tout même, avec une exagération qui frisait l’indécence-, il devait bien avouer qu’il ne s’était pas tellement occupé de ses amis, ces derniers temps. Il était tellement occupé à enquêter sur Jedusor qu’il avait passé pratiquement autant de temps avec Alliane qu’avec Ron… En même temps, ils étaient agaçants à le materner comme si il était en danger de mort permanent, ou au bord de la crise de nerfs. Hermione et Ron, tout particulièrement, le regardaient sans arrêt comme une espèce de condamné à mort, voué à une vie courte et malheureuse, sorte d’éternel incompris et après tout, devaient-ils se dire, ce n’était pas étonnant s’il pétait les plombs de temps en temps.
La critique de Ginny avait un intérêt double : elle remettait le Survivant en place et lui rappelait que ses amis avaient aussi besoin qu’on s’occupe d’eux, surtout dans une situation comme celle-là où ils étaient tous loin de leur famille –ce qui ne préoccupait pas Harry, puisqu’il n’avait pas vraiment de famille à part Sirius ; elle lui permettait ensuite, et surtout, de continuer dans le registre de la dispute et des pots cassés. C’était, dans l’immédiat, l’élément le plus important car le plus libérateur.

- Tu es bien placée pour me critiquer sur ce plan là ! C’est toi qui fait bande à part depuis un an, qui ne pense qu’à toi et qui ne t’occupe absolument pas de ce que… de ce que les autres peuvent ressentir.

« De ce que je peux ressentir », avait failli dire Harry. Par chance, il s’était repris à temps.

[Mille excuses pour le retard, même si c'est inexcusable! Je ferai attention la prochaine fois, promis ^^]