Elle songeait parfois à l'avantage de l'ennemi, et que beaucoup considéraient comme un inconvénient. C'était le consensus général : ceux qui les distinguaient, eux, les présumées bonnes personnes, de l'ennemi, c'était leur capacité à compter les uns sur les autres, leur aptitude à aimer. C'était peut-être vrai, mais ce qui était leur force représentait à ses yeux une faiblesse si terrible qu'elle la troublait totalement, et la détournait de son devoir.

Aimer était la solution, mais aimer était devenu sa malédiction. Elle s'était libérée d'un poids en parlant de sa situation à Henry, mais ça ne changeait rien. Elle était toujours incapable de faire ce que sa morale, son devoir l'obligeaient à faire... et elle en perdait le fil d'un combat bien plus important.

Heureusement, en ce sens, l'enfermement du groupe et la proximité constante avec les résistants l'obligeaient à se reconcentrer, à se focaliser sur ce qui était véritablement important. Il fallait détruire Jedusor, c'était plus simple de se concentrer sur cet ennemi qui se plaçait au sommet, même s'il était le moins accessible, plutôt que de se concentrer sur ses représentants. Même si ce n'était pas une garantie totale de succès. Si Grindelwald et Borodine avaient dû leur apprendre quelque chose, c'est que personne n'est irremplaçable et qe la mort d'un mal peut être un terreau propice à un autre mal, éventuellement plus redoutable encore.

Et ils en avaient encore la preuve alors qu'ils découvraient un groupe parallèle aux mangemorts, l'Hydre. Certes, que de telles frictions existent suggérait que l'un des deux ferait potentiellement imploser l'autre, mais cela voulait dire également qu'ils avaient d'autres ennemis à garder dans leur collimateur.

Ce qui était inquiétant, et l'était d'rautant plus que la jeune femme ne pouvait ignorer la possibilité qu'une véritable traque aux espions s'engage auprès des mangemorts... ce qui risquait de mettre Andreï en grande difficulté. Ses talents d'occlumens ne le protégeraient pas forcément de ce qui était à venir.

Et en dépit de leurs nombreuses disputes, Pomona ne voulait pas qu'il se fasse avoir, pas seulement au nom du groupe mais parce qu'elle l'appréciait, en réalité, si absurde cela semblerait-il peut-être à certains. Elle ne pouvait pas, en même temps, le blâmer pour le fait de lui faire des reproches qu'elle estimait entièrement fondés et légitimes.

Elle était dans la cuisine quand elle croisa Hermione, qui s'y trouvait déjà.

"Un café ?" proposa-t-elle, elle, en tout cas, en avait bien besoin.
   

-Ce n'est pas de refus.

Pomona hocha la tête et s'affaira rapidement, en quelques coups de baguette, à leur préparer deux tasses de café bien chaud. Rien ne garantissait que cela les aiderait outre mesure, mais dans tous les cas, cela leur occuperait les mains, et ce n'était pas une mauvaise chose en soi, déjà.

Une fois leurs tasses prêtes, elle les posa sur la table et s'installa face à Hermione. Cette dernière était celle parmi les voyageurs dont elle se sentait le plus proches. Leurs caractères avaient quelques similitudes rassurantes, même si Hermione était définitivement la plus intègre des deux, Pomona ne chercherait plus à le nier, en dépit de ses éternels débats intérieurs qui voulaient la raisonner et l'obliger à regagner, justement, cette intégrité perdue, qui s'exerçait parfois au mépris des autres, et ça depuis toujours, mais qui ne souffrait pas, avant, de torts dont il fallait bien qu'elle assume la culpabilité.

-Tu vas bien ?

Pomona avait l'impression que la question n'était pas anodine, mais c'était le fruit peut-être d'une imagination agitée par trop de réflexions déplaisantes. Car elle n'allait pas bien, et si neutre soit-elle d'attitude, elle voulait bien croire que cela finisse par se voir... Aucun d'eux n'allaient vraiment bien dans ces circonstances, il faudrait être un fou ou un idiot pour se sentir de bonne humeur quand le monde s'effondrait sous leurs pieds et qu'ils étaient planqués, coincés là, comme des animaux en cage.

Elle n'allait pas bien, mais elle ne pouvait pas le dire. Elle ne voulait pas le dire. Elle ne pouvait pas se le permettre. S'être confié à Henry était une chose, et ça la travaillait beaucoup trop. Même si Hermione et elle s'entendaient relativement bien toutes les deux, elle ne courrait pas le risque de lui dire ce qu'elle avait sur le coeur, ce qui l'agitait. Elle haussa les épaules. Elle n'allait pas prétendre aller bien non plus, ce n'était le cas pour aucun d'entre eux.

"On fait aller..." Elle adressa un geste de la tête en direction de la multitude de livres qui encombraient la table du salon. "Du nouveau ?"

La question était formelle, mais la réponse en était évidente. Rien, ou elle l'aurait dit, elle le saurait déjà... S'ils piétinaient moins, Pomona aurait sans doute moins de temps pour les scrupules. Mais elle l'avait bien cherché.

   

-Pas vraiment.

La réponse d'Hermione avait beau être frustrante, elle n'avait en revanche absolument rien de surprenante. Pomona savait bien qu'aucune percée significative n'avait dû être faite, parce que dans e cas contraire, ils seraient tous au courant, et ils agiraient en ce sens. Ce n'était pas le cas. Ils étaient prisonniers de la situation, et ils agissaient au mieux avec les moyens à leur disposition.

Oui, la réponse d'Hermione était frustrante, mais même dans les moments où Pomona se sentirait le plus agacée, frustrée par cet absence de progrès, elle n'envisagerait pas d'en faire le reproche aux voyageurs, et encore moins à Hermione, dont le sérieux n'était plus à prouver. Elle travaillait plus que n'importe qui à trouver des solutions à leurs problèmes. Encore fallait-il espérer que cela aboutisse, à un moment ou à un autre.

-Et de ton côté ? J’ai vu que tu étais sortie plusieurs fois cette semaine…

Pomona garda une expression parfaitement neutre. La vérité, c'est qu'elle était moins à l'aise qu'elle ne faisait mine de l'être. Même si elle cherchait à se montrer aussi discrète que possible, ses sorties ne pouvaient pas toujours passer inaperçu.

Certes, elle employait nombre d'entre elles à enquêter, à se procurer du matériel dont ils pourraient avoir besoin, à agir directement selon les intérêts de la Résistance. Mais... comme toujours à présent, et elle ne se faisait pas à l'idée que cela faisait partie d'elle à présent, il y avait un mais. Certaines de ses sorties étaient très personnelles, consacrées à retrouver Seth dans le plus grand secret. Hermione était futée, Pomona allait devoir se faire plus discrète. Elle n'avait pas la moindre envie d'attirer l'attention sur elle, et sur les secrets qui pourraient éventuellement être déterrés.

"J'espérais dénicher quelques informations au contact dont je t'avais parlé, qui travaille sur l'allée des embrumes, mais je n'ai rien obtenu d'intéressant."

C'était la vérité, même si ce n'était pas toute la vérité, et donc ça ne les avançait à rien. Comme toujours, chaque pas en avant était suivi de dix en arrière, et c'était en train de devenir aussi répétitif qu'épuisant. Mais que faire pour l'empêcher ? Ce semblait, à ce stade, tout simplement impossible. Et leur situation paraissait de plus en plus inextricable.

   

-Je vois.

Pomona ne savait pas trop si Hermione goûtait réellement à son excuse ou non. Elle était maline et observatrice, il se pouvait qu'elle ne soit pas totalement convaincue par ses dires, mais dans tous les cas, impossible de le déterminer précisément. Elle s'était exprimée d'un ton sans timbre, d'une voix sans émotion, qui laissait le champ libre à à peu près n'importe quelle interprétation, ce qui était peut-être une démarche volontaire de sa part, d'ailleurs.

Comme elle n'insistait pas, Pomona n'insisterait pas non plus de son côté de toute manière. Il était préférable qu'elle évite d'éveiller des soupçons inutiles. Dans tous les cas, Hermione devait savoir qu'elles poursuivaient quoi qu'il en soit le même but. Et à l'heure actuelle, la fin avait tendance à justifier tous les moyens. Peut-être un peu trop ?

Pas du point de vue de Pomona, elle avait toujours fonctionné comme cela. Mais elle remarquait bien, à force de fréquenter le reste des voyageurs temporels que ce n'était pas le cas de tous, et que son mode de pensée divergeait des leurs. Il faut le dire, Pomona n'avait pas été envoyée à Serpentard pour rien non plus, en réalité. Même si c'était une information qu'elle faisait parfois oublier.

-Il y a au moins une bonne chose dans tout ça, j'ai enfin réussi à réunir tous les ingrédients pour notre prochaine cuvée de polynectar. Juste à temps.

Passer à un sujet très concret, voilà qui était effectivement préférable, et c'était effectivement une excellente chose qu'elle ait su se procurer ce qu'il fallait pour qu'elles puissent préparer leur polynectar, d'autant que la concoction de cette potion était longue et fastidieuse. Et c'était une denrée précieuse, dans leur cas, dont ils avaient plutôt tendance à vouloir abuser.

"Excellent. Je pourrai me charger de la préparation, si tu veux." Autant faire preuve de toute la bonne volonté possible. Elle n'était pas la plus intégrée du groupe, mais elle tenait réellement à ce que tout ceci serve véritablement à quelque chose, et trouve un effet réel. "On devrait dresser un nouvel inventaire de ce qu'il nous reste, et prendre si possible de l'avance sur nos acquisitions."

C'était un constat évident, mais il valait mieux qu'ils s'organisent tous le plus convenablement possible malgré tout. Et parler de ces éléments pragmatiques était une solution de facilité pour elle, également.

-Si ça ne te dérange pas.

Pomona fit non de la tête. Non, bien sûr que non, ça ne la dérangeait absolument pas. Bien au contraire, ça l'arrangeait. Elle avait besoin de se donner l'assurance d'agir, et d'agir utilement, même s'il en faudrait davantage pour qu'elle ait réellement le sentiment que quoi que ce soit serve réellement à quelque chose. Pomona avait besoin d'une percée véritable, d'un progrès réel, et pour le moment, ce n'était pas ce à quoi elle avait droit.

Elle avait bien l'intention de faire cela très rapidement, pas tant parce qu'il y avait urgence que c'était toujours mieux que d'attendre, d'éplucher une flopée d'ouvrages sans substance dans l'attente d'une illumination qui n'arrivait finalement jamais, quoi qu'ils fassent pour arriver à cela.

-Oui, ce n'est pas une mauvaise idée.

Pomona ne réagit même pas. Elle n'avait pas besoin qu'on le lui dise pour le savoir. Toutes les idées de Pomona n'étaient pas forcément les plus brillantes, c'est vrai, mais là, Pomona estimait que ce n'était pas faire une suggestion très aventureuse que de proposer de se lancer dans un inventaire globale de ce qu'ils avaient, afin de pouvoir avoir une vision d'ensemble sur la situation.

Et si quelqu'un avait de bonnes chances d'approuver en dépit du caractère assez rébarbatif de la situation, c'était définitivement Hermione, dont les modes de raisonnement étaient très similaires au sien de manière générale.

On peut s'y mettre tout de suite ? Se répartir les tâches ?

"J'allais te le proposer", confirma Pomona dans une de ses vagues esquisses de sourire qu'elle n'accordait clairement pas à la cantonade et vraiment très rarement.

Puisque l'idée était lancée, il semblait nécessaire de se mettre directement à l'ouvrage. Enfin, nécessaire n'était peut-être pas le mot, mais ce serait toujours mieux que de comater ou tergiverser.

"Je te laisse t'occuper de la bibliothèque." C'était le mode de prédilection d'Hermione, même Pomona qui était pourtant une fervente lectrice ne pouvait vraiment pas la battre à ce niveau. "Je m'occupe des ustensiles et ingrédients."

Elle n'ajouta rien de plus. Elle voulait directement se mettre à l'oeuvre. C'était plus simple d'agir que de parler, surtout que sans action directe, leurs paroles auraient toujours l'air creuses, quoi qu'ils fassent.